La mission principale du Centre d’excellence BioEngineering est de concevoir, de construire, d’améliorer et de tester des micro-organismes vivants, tels que de nouvelles levures, bactéries et champignons filamenteux, en utilisant des technologies classiques non génétiquement modifiées ainsi que le génie génétique moderne.
« Nous sommes à la pointe de ce processus d’amélioration des souches industrielles existantes et de leur construction de novo », souligne Massimo Merighi, Directeur du Centre d’Excellence BioEngineering.
Le Centre d’excellence BioEngineering est en soi une création récente avec le lancement de la biofonderie en 2022, mais il est l’héritier naturel de l’expertise historique du Groupe dans l’ingénierie des souches. Il a permis de faire un bond en avant dans le savoir-faire, la portée, les méthodes en matière d’ingénierie des micro-organismes.
De la génétique classique à l’édition du génome
Les performances des organismes dans les processus et les applications peuvent être améliorées en modifiant les génotypes(1) ou en affinant les phénotypes. La bio-ingénierie se concentre sur la manipulation des génotypes, en mettant l’accent sur les performances dans les conditions industrielles et d’application (nos phénotypes d’intérêt).
Par ailleurs, la bio-ingénierie fournit également une vaste boîte à outils pour l’analyse biologique des performances des génotypes dans des conditions spécifiques permettant ainsi l’optimisation des processus de fermentation et de DownStream process.
Pour l’amélioration des micro-organismes, différentes approches sont étudiées :
- Des approches de génétique classique avec des techniques telles que la mutagenèse chimique et physique, la ségrégation et les croisements de spores, la fusion de protoplastes…, de plus en plus aidées par des techniques assistées par des marqueurs basées sur les QTL(2 )et les GWAS(3).
- des approches de génie génétique : le séquençage de nouvelle génération, l’édition du génome par CRISPR-CAS et la bioinformatique avancée ont ouvert une nouvelle ère dans la biologie systémique(4) et la biologie synthétique(5). L’équipe de bio-ingénierie utilise ces nouvelles technologies génétiques appliquées à différents micro-organismes tels que Saccharomyces spp, Pichia pastoris, Yarrowia lipolytica, Aspergillus niger, Escherichia coli, Bacillus subtilis.
Une portée et une rapidité incroyables grâce au centre d’excellence BioEngineering
Grâce à ses deux Biofonderies situées en France et aux Etats-Unis (baptisée Biological Foundry for Advance Bioengineering ou BioFAB), le CoE BioEngineering est en capacité d’augmenter la vitesse de construction et de test, de réduire le coût unitaire et le temps de développement, et d’amplifier le « volume » de nouveaux génotypes construits et/ou testés, multipliant globalement les chances de trouver la souche optimale et la probabilité de succès du projet.
En effet, la principale caractéristique de la bio-ingénierie moderne est l’accélération du cycle de conception, de construction, de test et d’apprentissage. La capacité à concevoir et à construire de nombreux prototypes de souches, puis à les tester rapidement en petits volumes sur des plateformes automatisées, conduit à une réduction du coût unitaire de la conception-construction-test, ce qui signifie que pour le même montant, davantage de tentatives peuvent être faites pour identifier les souches correctes.
« De nouvelles conceptions de génotypes sont créées à l’aide d’ordinateurs. Cela est également vrai, dans une certaine mesure, pour les approches non génétiquement modifiées, lorsque certaines approches assistées par marqueurs sont tentées. Lorsque des organismes génétiquement modifiés sont créés, cela signifie que des bases de données contenant des centaines de milliers de gènes candidats sont passées au crible dans des ordinateurs pour trouver des gènes intéressants, puis synthétisés en laboratoire, introduits dans la souche hôte, exprimés et testés pour le comportement recherché », explique Massimo Merighi.
Des voies métaboliques complètes comportant des dizaines d’étapes peuvent être assemblées de la même manière. L’édition du génome peut également modifier directement le génome de la souche. Dans l’ensemble, c’est comme si des centaines ou des milliers de prototypes étaient créés, qui sont ensuite testés en petites quantités à l’aide de méthodes automatisées.
« Ces vastes ensembles de prototypes doivent être créés car dans l’état actuel de la biologie, la conception de novo d’organismes complets n’est pas encore possible. Cela pourrait changer à l’avenir, à mesure que la biologie computationnelle élargira notre compréhension de la vie. Globalement, l’approche de la bio-ingénierie par la biofonderie ne réduit pas nécessairement le coût total du développement, mais elle permet d’élargir le champ d’application et d’accélérer le processus, augmentant ainsi les chances de succès dans un délai de développement donné », souligne Massimo Merighi.
Le corollaire de cette approche est que les données deviennent des reines comme le montre quelques chiffres clés de l’activité BioEngineering. Aussi si l’on considère les métadonnées associées dans les différents LIMS(6), on parle de dizaines de téraoctets par an.
« Mes équipes prennent donc beaucoup de soin à développer des méthodes informatiques, des bases de données, des dictionnaires de données, des protocoles de transfert pour collecter, suivre, classer et comprendre cette énorme masse de données. Apprendre à partir de ces données est au cœur de notre mission. L’infrastructure informatique du BioEngineering est probablement la plus complexe et la plus intégrée de Lesaffre », ajoute Massimo Merighi.
Une organisation bien huilée entre la France et les Etats-Unis
Le CoE BioEngineering doit être considérée comme une équipe « globale » de bioengineering composée de BioEngineering -France et BioEngineering-USA (i.e. Recombia Biosciences).
Le CoE s’est structuré en plusieurs étapes avec :
- La création de la Biofondrie (2020-2022),
- La Joint-venture avec Recombia Biosciences (2020-2022),
- La restructuration des équipes Génétique et Enzyme en 2022,
- L’acquisition de Double Rainbow en 2023.
Aussi l’organisation des équipes a été pensée en faisant correspondre la technologie, l’expertise des équipes, les emplacements géographiques à une valeur ajoutée spécifique :
- les projets privilégiant des approches non génétiquement modifiées sont dirigés par l’équipe « génie microbien » située en France. L’équipe bénéficie de l’écosystème de recherche européen reconnu dans le domaine de la génétique des levures (France, Belgique et Danemark).
- les projets impliquant le génie métabolique et génétique sont pilotés par les équipes de Recombia aux États-Unis, en raison de la longue histoire de l’industrialisation de la technologie depuis les années 1970 et des interactions avec les universités de premier plan dans ces 2 domaines.
- le développement technologique et la construction d’organismes à haut débit dans le domaine du génie génétique sont pilotés par la Biofonderie française. L’équipe bénéficie par ailleurs de capacité en biologie synthétique basée à San Francisco.
- tous les criblages à haut débit et les analyses de biologie systémique sont également effectués à la Biofonderie française
Aujourd’hui, avec l’ajout de la plateforme dédiée à l’évolution adaptative en laboratoire (ex-Altar), les synergies vont atteindre de nouveaux sommets chez Lesaffre », souligne Massimo Merighi.
Bien entendu, le CoE Bioengineering s’appuie tout au long des projets sur l’écosystème R&D de LIST et tous particulièrement sur les CoE MicroOrganismS, Fermentation Process Design, Analytical Science & Discovery et DowStream Process.
Les grands défis du CoE BioEngineering
« Le « moonshot(7) » pour l’avenir consiste à réduire le temps de développement à 12 mois, de la conception à l’essai pilote, pour le développement d’une souche standard d’ingénierie métabolique ou d’un produit non génétiquement modifié », explique Massimo Merighi. Ces objectifs sont réalisables. Pour les atteindre, il convient d’exploiter le pouvoir multiplicateur de la Biofonderie française et de relever les défis liés à l’optimisation des données et des processus. Il est essentiel de poursuivre la normalisation des structures de données, des ontologies(8) de métadonnées, de l’automatisation et de la modélisation des données. De grands progrès ont déjà été réalisés par l’équipe du CoE BioEngineering, en coordination avec les équipes BioData et Digital Data & Tech, dans le domaine de l’analyse et de l’ingénierie des données.
« Nous avons également besoin d’une plus grande routine et d’un effort plus rapide pour apprendre à partir de nos ensembles de données, afin d’optimiser notre processus de conception et de test. Le cycle entre la collecte de données omiques, l’analyse et la première interprétation automatisée doit être ramené à deux semaines. Certains processus tels que la « construction » doivent être parallélisés afin que des cycles de conception-construction-vérification de 2 semaines puissent être établis : ce temps de rotation permettrait 26 cycles de construction par an, un multiplicateur stratégique pour les équipes d’ingénierie métabolique et microbienne.
L’objectif global est d' »échouer rapidement et en toute sécurité ». L’échec fait partie du travail quotidien des équipes d’ingénieurs, l’acceptation du risque et les échecs font partie du jeu, si nous voulons investiguer des domaines inexplorés de la biotechnologie industrielle », souligne Massimo Merighi.
Il conclue en ajoutant : « Les personnes sont également la clé d’une équipe de bio-ingénierie performante : rendre mes équipes plus connectées, formées aux avancées les plus récentes, à l’aise avec l’informatique, les données, participera à nos succès futures ».
La fierté de notre Biofonderie française
Découvrez le témoignage de Massimo Merighi, Directeur du Centre d’Excellence BioEngineering, qui a œuvré pour le déploiement de la biofonderie située sur le Campus Lesaffre.
« La construction de la plus grande biofonderie industrielle d’Europe est certainement l’un des moments les plus forts de ma carrière. J’ai essayé de tirer les leçons de mon expérience passée chez Gingko Bioworks et de me mettre au défi de construire une biofonderie rentable et évolutive, avec des robots standardisés, des logiciels prêts à l’emploi et des structures de données liées à des objectifs biologiques et biotechnologiques.
L’année dernière, nous avons travaillé sur 35 projets, créé plus de 95 000 échantillons biologiques, près de 10 000 souches génétiquement modifiées (NGT1, 2, 3), envoyé 230 souches en fermentation en bioréacteur, dont 46 ont été promues au stade de pilote de laboratoire et 22 au stade de pilote industriel. Tout cela deux ans seulement après la mise en service de la biofonderie ! Aujourd’hui, notre objectif est de réduire le temps de développement d’un projet de 5 ans à un an : cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais je suis confiant. Je m’attends à ce que 2025 soit une année encore plus passionnante et productive. Le meilleur reste à venir. »

- Ensemble des caractères génétiques d’un être vivant, qu’ils se traduisent ou non dans son phénotype (ensemble des caractères physiques et biologiques d’un individu, par ex la résistance d’une levure aux fortes concentrations de sucre).
- La méthode de cartographie QTL permet de tester statistiquement le lien entre la variation génétique (comme celle de marqueurs moléculaires) et la variation phénotypique.
- La GWAS (Genome Wide Association Study ou étude d’association pangénomique) consiste à identifier des variations nucléotidiques ou SNP (polymorphisme mononucléotidique) associés à un caractère d’intérêt.
- La biologie systémique cherche à comprendre comment les différentes parties d’un organisme (gènes, protéines, cellules, organes, etc.) interagissent et se combinent pour produire des comportements biologiques complexes. La biologie systémique s’appuie sur des modèles mathématiques, des algorithmes et des simulations pour analyser ces interactions.
- La biologie synthétique cherche à créer de nouveaux organismes vivants ou à les modifier en introduisant de nouvelles fonctions ou comportements. Cela peut inclure la création de nouvelles voies métaboliques, la construction de cellules artificielles, ou même l’intégration de gènes de différentes espèces dans un seul organisme.
- Le LIMS (Laboratory Information Management System) est un système de gestion de l’information du laboratoire.
- Le programme de recherche et développement Moonshot encourage la recherche et le développement à haut risque et à fort impact pour atteindre des objectifs ambitieux et résoudre les problèmes auxquels la société future sera confrontée.
- L’ontologie est un modèle de données contenant des concepts et relations permettant de modéliser un ensemble de connaissances dans un domaine donné