Rappelez-vous en 2001, le tourisme spatial devenait une réalité commerciale avec Dennis Tito qui réalisa enfin son rêve à bord d’un vaisseau spatial Soyouz en route pour la Station spatiale internationale (ISS). Que de chemin parcouru depuis le premier être vivant (la chienne Laïka) en novembre 1957, suivi du premier hominidé (le chimpanzé Ham) en janvier 1961 et enfin le célèbre Youri Gagarine en avril de la même année.
Dix ans plus tard (avril 1971), la première station spatiale est lancée et ouvre une nouvelle ère. En effet, au-delà des performance scientifiques et techniques, il faut penser au bien-être physique, mais aussi psychologique des astronautes. La durée des vols s’allonge, le moral est mis à rude épreuve et les tensions interpersonnelles augmentent. Dans ce contexte, la qualité des repas est un puissant levier.
C’est à cette époque que Jean-Loup Chrétien devient le premier astronaute français à voyager dans l’espace (juin 1982). De cette expérience, il gardera (entre autres) une frustration gastronomique que les psychologues de Baïkonour prendront très au sérieux au point de lancer un appel d’offres visant à mettre à disposition des astronautes des produits « d’agrément » qui seront servis une fois par semaine. En effet, nos « navigants » font 4 repas par jour qu’ils choisissent parmi un choix de 90 menus, ceux-ci étant principalement constitués de jus de fruits, conserves, produits lyophilisés, purées de légumes mais très rarement de produits frais… Des vaisseaux pilotés (Soyouz) véhiculent les hommes et le matériel ; des cargos automatiques (Progress) assurent la logistique alimentaire en envoyant les aliments et en ramenant les déchets.
Une recette de pain cosmique unique
Lesaffre répondra en 1988 à ce challenge culinaire avec l’objectif de fournir le pain de la mission Franco-Russe Aragatz à bord de Soyouz TM-7 (24 jours prévus avec des travaux scientifiques à bord de la station MIR). Le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) et le SCERCAT (Service Central d’Etudes et de Réalisation du Commissariat de l’Armée de Terre) définissent un cahier des charges ambitieux : un pain sans miettes (apesanteur oblige), d’une taille d’une à deux bouchées, stable dans le temps (pas d’altérations microbiologique ou organoleptique, à savoir saveur, odeur, couleur et consistance, au minimum pendant 2 mois).
Il faudra à Lesaffre près d’un an de développement pour arriver à des « mini- buns » ensachés en portions individuelles de 6 unités de 7 g, chaque unité mesurant 4 cm de diamètre et 1,5 cm de hauteur. Les travaux coordonnés par la Division Développement de l’époque conduiront à de multiples essais afin de proposer un pain savoureux, sans aucun risque sanitaire et une conservation parfaite. En août 1988, une première sélection se déroule en France, puis en Russie, la version validée du pain cosmique devant embarquer sur le vol prévu entre le 26 novembre au 21 décembre de la même année.
Et devinez quelle fût la levure mise en œuvre pour cet étonnant projet ?
La Saf-instant bien entendu qui fête cette année ses 50 ans !!
Des retombées exceptionnelles
Même Pierre Cardin (propriétaire à cette époque des restaurant Maxim’s) aura l’occasion de savourer ce pain cosmique lors d’une dégustation des plats de l’espace. Un défi supplémentaire relevé avec succès par les collaborateurs Lesaffre, des remerciements de l’équipe française et soviétique pour ce petit plaisir de France, une couverture médiatique impressionnante.
Au-delà de cette aventure, que reste-t-il de cette expérience ?
Une référence pour les « pains de l’extrême » à longue conservation (exploit sportif, alimentation des forces spéciales…), pour lesquels la sécurité alimentaire, la portabilité, la conservation, le plaisir doivent être conciliés. Également un modèle pour les produits de snacking avant l’heure (portions individuelles, pas de miettes, transportables facilement, consommables sans ustensiles…). Des produits très similaires sont aujourd’hui fabriqués en Chine (mini-Buns « briochés » en portion individuelle, pouvant se conserver jusque 6 mois) vendus en produit de snacking et appelés « petits pains français », une relation avec nos pains de l’espace au pays de la baguette ?