Carburant durable : un vrai défi pour l’aviation

Les carburants durables pour l’aviation sont stratégiques pour réduire de manière spectaculaire (et immédiate) l’empreinte carbone de l’aviation.

Qu’est-ce qu’un carburant d’aviation durable ?

Le carburant d’aviation durable (SAF) est un carburant non fossile adapté aux moteurs à réaction qui a été certifié durable par des organismes tiers indépendants. Le SAF peut remplacer le carburant d’aviation traditionnel d’origine fossile (ou kérosène), qui est un mélange d’hydrocarbures. Les carburants durables peuvent être facilement mélangés au kérosène d’aviation sans qu’il soit nécessaire de modifier les moteurs des avions.

Ainsi, de la production à la combustion dans les moteurs à réaction, le SAF émet moins de CO2 tout au long de son cycle de vie que le kérosène conventionnel. Grâce à son empreinte carbone réduite, le SAF pourrait jouer un rôle clé dans la décarbonation du secteur de l’aviation.

Les SAF mélangés doivent être conformes à la norme ASTM* D1655, qui fournit des lignes directrices sur la sécurité et les performances des carburants utilisés dans l’aviation commerciale.

*ASTM International est un organisme de normalisation qui élabore et publie des normes techniques pour les matériaux, les produits, les systèmes et les services.

 

Voies de production de carburants durables pour l’aviation

Il existe trois grandes voies de production du SAF, chacune mobilise des ressources et technologies spécifiques, avec des niveaux de maturité et de potentiel environnemental variables(1).

SAF à base de biomasse

Avec une tonne de biomasse sèche, il est possible de produire environ 190 à 250 litres de biocarburant
Avec une tonne de biomasse sèche, il est possible de produire environ 190 à 250 litres de biocarburant

 

La biomasse, définie comme la matière organique dérivée des plantes et des animaux, fournit des sources potentielles de carbone durable pour le SAF, ainsi que des produits chimiques et des coproduits à haute valeur ajoutée.

Le carburant d’aviation durable issu de la biomasse(2) est produit à l’aide d’une technologie mature et est le type de carburant d’aviation durable le plus répandu à l’heure actuelle.

Il peut être fabriqué à partir de biomasses lignocellulosiques (tiges de maïs, pailles de céréales et autres résidus agricoles & forestiers), de biomasses amylacés et de biomasses sucrières (canne à sucre et betterave, mélasse). Des micro-organismes, comme des levures, sont capables de fermenter les sucres (glucose, fructose, saccharose…) présents dans ces biomasses pour produire du bioéthanol, l’isobutanol ou du butanol. Des étapes de prétraitement et d’hydrolyse peuvent être nécessaires pour libérer les sucres fermentescibles à partir des biomasses lignocellulosiques. Bioéthanol et butanol sont ensuite convertis en carburant d’aviation via l’ATJ (Alcohol-To-Jet), un processus de conversion impliquant plusieurs étapes : déshydratation, oligomérisation et hydrogénation.

Il est également possible de produire ce carburant à partir d’huiles de cuisson usagées ou de graisses animales issues de l’industrie alimentaire, qui sont converties en hydrocarbures compatibles avec les moteurs d’avion par hydrogénation (procédé HEFA : Hydroprocessed Esters & Fatty Acids).

Enfin, le SAF issu de la biomasse peut être produit à partir de déchets solides (agricoles, forestiers, urbains), qui sont convertis en gaz de synthèse (Syngas), puis en hydrocarbures.

Power-to-Liquid (e-carburants)

Les e-carburants sont produits en combinant le dioxyde de carbone capté dans l’air ou dans les émissions industrielles avec de l’hydrogène vert extrait de l’eau. Le mélange de CO2 et de H2 forme un gaz de synthèse, qui est converti en carburant liquide, puis raffiné pour produire du carburant pour avions.

Les filières technologiques pour la production de carburants synthétiques sont en cours de développement. Les carburants synthétiques présentent certains avantages : ils ne sont pas dérivés de la biomasse et ont une faible empreinte carbone puisqu’ils sont produits à l’aide d’électricité générée à partir de sources renouvelables (par exemple, l’énergie solaire ou éolienne).

Biocarburants avancés

Les biocarburants avancés comprennent les carburants dérivés d’organismes vivants, tels que des micro-organismes et des algues optimisés grâce à des biotechnologies, comme la biologie synthétique. Ces organismes vivants à croissance rapide, tels que les levures et les microalgues, peuvent être génétiquement modifiés pour produire des molécules similaires à celles présentes dans le kérosène.

De nombreux projets de recherche sont actuellement menés pour exploiter le potentiel des micro-organismes dans la production de SAF. Et comme l’indique le projet de recherche YAF (Yeast-based solutions for sustainable aviation fuels) financé par l’Europe, « les levures peuvent jouer un rôle clé dans la production d’intermédiaires de SAF économiquement viables, comme des terpènes et des lipides, de manière respectueuse de l’environnement à partir de biodéchets ».

Les microalgues produisent de leur côté des huiles qui peuvent être ensuite converties en carburant d’aviation par hydrogénation.

Avantages environnementaux et économiques des carburants durables pour l’aviation

Les carburants durables pour l’aviation sont essentiels pour relever les défis du changement climatique et de l’indépendance énergétique. Ils constituent également un moteur de croissance économique pour le secteur aéronautique.

Une empreinte carbone réduite

Les carburants durables pour l’aviation ont le potentiel de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre tout au long de leur cycle de vie, de la production à l’utilisation, par rapport aux carburants fossiles pour avions.

Selon les sources et les filières de production utilisées, les carburants durables pour l’aviation peuvent actuellement réduire les émissions de CO2 de 70 à 80 % par rapport aux carburants fossiles traditionnels, un chiffre qui pourrait atteindre 100 % à l’avenir grâce à l’amélioration des processus de production.

Réduire la dépendance de l’aviation aux combustibles fossiles

Les carburants alternatifs pour l’aviation peuvent aider le secteur de l’aviation à réduire progressivement sa dépendance au pétrole brut, qui est utilisé pour fabriquer le carburant pour avions(3). Ce carburant « vert » peut être produit à partir d’une gamme de matières premières renouvelables disponibles localement, telles que les déchets agricoles et les huiles de cuisson usagées. Les carburants alternatifs pour l’aviation offrent ainsi des avantages clés au secteur de l’aviation, notamment une exposition réduite aux fluctuations des prix du pétrole et une sécurité énergétique renforcée.

Des retombées économiques positives

Les technologies SAF offrent d’énormes opportunités de croissance économique, telles que le développement de nouveaux secteurs industriels spécialisés dans la production et le traitement de ces nouveaux carburants et la création de nouveaux emplois. Les investissements réalisés dans ces carburants innovants contribuent également au développement de divers projets innovants visant à faciliter la transition énergétique du secteur de l’aviation et à ouvrir la voie à une stabilisation des prix et à une baisse des coûts de production à long terme. Les futures sanctions gouvernementales sur les émissions de carbone rendront les SAF de plus en plus compétitifs par rapport au kérosène.

Obligations réglementaires (mandat) et objectifs fixés par les pays : la demande totale de carburants alternatifs pour l'aviation imposés et ciblés par les gouvernements devrait atteindre 17,1 millions de tonnes par an d'ici 2030, soit environ 5 % de la demande en carburant pour avions(3) – source WEF.
Obligations réglementaires (mandat) et objectifs fixés par les pays : la demande totale de carburants alternatifs pour l’aviation imposés et ciblés par les gouvernements devrait atteindre 17,1 millions de tonnes par an d’ici 2030, soit environ 5 % de la demande en carburant pour avions(3) – source WEF.

 

Qui utilise actuellement les carburants durables pour l’aviation ?

Aujourd’hui, plusieurs compagnies aériennes ont déjà commencé à utiliser un mélange de carburant durable et de kérosène pour alimenter leurs avions. Ces efforts sont encouragés par des politiques incitatives gouvernementales.

Les compagnies aériennes montrent la voie

En 2008, Virgin Atlantic a été la première compagnie aérienne à tester l’utilisation de carburants durables pour l’aviation sur un vol commercial. Depuis, plusieurs autres compagnies aériennes ont emboîté le pas, utilisant un mélange de carburants durables pour l’aviation et de kérosène traditionnel pour alimenter leur flotte d’avions commerciaux. En 2016, United Airlines est devenue la première compagnie aérienne à introduire les carburants durables pour l’aviation dans ses opérations régulières. En 2023, Virgin Atlantic est devenue la première compagnie aérienne commerciale à effectuer un vol transatlantique commercial alimenté à 100 % par des carburants alternatifs pour l’aviation.

De son côté, Air France vise l’incorporation d’au moins 10 % de SAF au niveau mondial en 2030. En 2024, la compagnie a utilisé 43 953 tonnes de SAF, évitant l’émission de plus de 150 000 tonnes de CO₂.

43 compagnies aériennes se sont d’ores et déjà engagées à utiliser environ 16,25 milliards de litres de SAF d’ici 2030.

Réglementations et incitations gouvernementales

Plusieurs gouvernements ont mis en place des politiques visant à encourager la décarbonation du secteur aérien et le développement de carburants durables pour l’aviation. En 2022, les États-Unis ont promulgué l’Inflation Reduction Act (IRA), qui permet aux compagnies aériennes utilisant des carburants durables pour l’aviation de bénéficier de crédits d’impôt pendant trois ans. Le pays encourage l’utilisation des SAF afin de réduire la consommation de carburant des avions d’au moins 30 % d’ici 2050. Ce programme d’incitation soutient le développement de projets pilotes à grande échelle dans l’ensemble du secteur de l’aviation(6).

En 2023, le Parlement européen a présenté l’initiative ReFuelEU Aviation. Le règlement fixe des quotas obligatoires de carburants durables pour les fournisseurs de carburant des aéroports, avec un objectif de 2 % en 2025. Ce chiffre devrait augmenter progressivement pour atteindre 70 % d’ici 2050(7).

L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui est chargée de coordonner les efforts mondiaux pour assurer une transition en douceur vers les SAF, a introduit le système de compensation et de réduction des émissions de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) afin d’encourager l’utilisation de carburants durables certifiés comme alternatives à la compensation carbone. Les exploitants d’aéronefs peuvent acheter des crédits de compensation qui répondent aux exigences de compensation notifiées par l’État dans lequel ils opèrent(8).

Quels sont les défis et les obstacles à l’adoption des carburants durables pour l’aviation ?

Malgré les récentes améliorations en matière d’efficacité énergétique, l’aviation reste un contributeur majeur au changement climatique. Représentant 2,1 % de toutes les émissions de CO2 d’origine humaine et 12 % de toutes les émissions liées aux transports, ce secteur est déjà la deuxième source mondiale de gaz à effet de serre. Mais ce qui est encore plus inquiétant, c’est qu’en raison de la demande croissante en transport aérien, les émissions de l’aviation internationale devraient tripler d’ici 2050.

Si le monde veut atteindre son objectif climatique ambitieux de maintenir la hausse de la température mondiale bien en dessous de 2 °C, le secteur de l’aviation doit réduire son empreinte carbone. Cependant, comme le souligne à juste titre le Forum économique mondial (FEM), il doit le faire sans compromettre les immenses avantages économiques et sociaux que procure le transport aérien : « l’industrie aéronautique a largement contribué à concrétiser les bénéfices de la mondialisation. Aujourd’hui, dans ce même contexte, elle doit relever un défi majeur : continuer à offrir ces avantages tout en s’inscrivant dans une démarche respectueuse de l’environnement, impliquant l’ensemble de sa chaîne de valeur ». La réponse pour atteindre cet équilibre entre durabilité et service réside dans les carburants durables pour l’aviation (SAF).

« Le carburant d’aviation durable est une alternative aux sources hautement polluantes et à forte émission de carbone que nous utilisons toujours dans l’aviation », explique Marcelo Amaral, directeur général de Leaf by Lesaffre. « Avec le SAF, nous avons la possibilité de réduire les émissions tout en maintenant, voire en développant, un secteur essentiel de l’économie ».

Leaf by Lesaffre est un acteur mondial de premier plan dans le développement de la biotechnologie industrielle. Cette business unit de Lesaffre développe notamment des micro-organismes industriels et des procédés permettant des productions renouvelables. En collaboration avec des acteurs également passionnés par l’accélération de la transition, Leaf conçoit et met en œuvre des solutions biosourcées hautement performantes.

Ces procédés basés sur la fermentation sont aujourd’hui utilisés pour produire des carburants alternatifs pour l’aviation. Avec l’appui du Centre d’excellence BioEngineering, Leaf développe une utilisation intelligente de la biomasse et des micro-organismes afin de développer de nouveaux produits ou des versions améliorées de produits fossiles traditionnels, potentiellement plus performants et moins toxiques.

« En jouant un rôle clé dans la production des ressources bio-renouvelables utilisées par les carburants aériens durables, la fermentation contribuera à stimuler l’adoption des SAF et à accélérer nos progrès vers un secteur aérien plus durable », ajoute Marcelo Amaral.

Des carburants aviation durables prêts à voler

Comme l’explique M. Amaral, voler avec des carburants d’aviation durables, y compris ceux dérivés de ressources bio-renouvelables issues de la fermentation, réduit la consommation de pétrole brut et produit moins d’émissions de carbone tout au long du cycle de vie par rapport aux carburants conventionnels pour avions. « Sur l’ensemble de son cycle de vie, le SAF a une empreinte carbone jusqu’à 80 % inférieure à celle des carburants fossiles traditionnels pour avions », précise-t-il.

Mais au-delà de son potentiel de réduction significative des émissions des avions, le carburant durable présente également une densité énergétique supérieure à celle du kérosène traditionnel. De plus, après avoir été soumis à des tests rigoureux, le carburant durable a déjà prouvé son innocuité pour une utilisation dans les avions commerciaux.

Contrairement à d’autres sources de carburant alternatives (par exemple, l’hydrogène ou les batteries électriques), le SAF est certifié « drop-in » ou « prêt à l’emploi ». En d’autres termes, il possède des propriétés, des qualités et des caractéristiques similaires à celles du carburant Jet A et Jet A1 (le kérosène utilisé par la plupart des avions à turbine).

« Cela signifie que les avions utilisant le SAF ont les mêmes performances que ceux fonctionnant avec des carburants fossiles », explique Marcelo Amaral. « De plus, l’utilisation du SAF ne nécessite aucune modification des avions ni aucune infrastructure au sol supplémentaire, de sorte que tous les avions peuvent déjà voler avec du SAF aujourd’hui. »

La nécessité d’une production à grande échelle

D’ici 2030, selon un rapport du Forum Economique Mondial (WEF), la demande mondiale de carburant d’aviation durable (SAF) devrait atteindre 17 millions de tonnes par an (Mt/a), soit 4 à 5 % de la consommation totale de kérosène. Cependant, la production de SAF accuse un retard : pour répondre à la demande probable en 2030, une capacité supplémentaire de 5,8 Mt est nécessaire.

En 2024 selon EASA (European Union Aviation Safety Agency), la production de SAF ne représentait que 0,53 % de la consommation mondiale de kérosène.

Comme on le voit, malgré ces avantages, l’utilisation des carburants durables reste faible, les principaux facteurs limitants étant leur manque de disponibilité et leur coût élevé.

En raison de l’offre limitée, la demande de SAF est également faible. Le déséquilibre entre l’offre et la demande fait que le coût des SAF est plus de deux à cinq fois supérieur à celui du kérosène conventionnel, ce qui les rend inaccessibles pour de nombreux exploitants.

Pour rendre les SAF économiquement viables, leur production doit être considérablement augmentée, ce en quoi la fermentation pourrait contribuer.

Selon Marcelo Amaral, une fermentation industrielle performante repose sur des micro-organismes avancés et des services techniques intelligents. Leaf fournit à la fois des produits et une expertise en matière de processus à travers le monde, aujourd’hui pour le bioéthanol renouvelable et demain pour les produits chimiques d’origine biologique. Par exemple, son approche unique « Comprehensive Coupled Product and Process » (CP2) combine l’expérience et les avancées récentes de Leaf avec des investissements dans l’innovation et la recherche.

« À mesure que le SAF passe à l’échelle commerciale, Leaf est bien placé pour devenir le partenaire de fermentation industrielle d’un avenir durable », ajoute Marcelo Amaral. « Et, à mesure que la production de SAF augmentera, les coûts diminueront et la demande augmentera, ouvrant finalement la voie à l’ère de l’aviation durable. »

Vers l’ère de l’aviation durable

Des programmes tels que l’Initiative pour les carburants alternatifs dans l’aviation commerciale (CAAFI) contribuent à accélérer la transition vers les carburants durables pour l’aviation. Partenariat public-privé entre la communauté aéronautique et l’Administration fédérale de l’aviation (FAA), la CAAFI a pour objectif de promouvoir le développement de carburants alternatifs pour l’aviation qui offrent une sécurité équivalente et des coûts avantageux par rapport aux carburants à base de pétrole, tout en améliorant la performance environnementale et la sécurité de l’approvisionnement énergétique pour l’aviation. La transition vers les carburants durables pour l’aviation est également encouragée par des initiatives réglementaires, comme nous l’avons vu précédemment pour l’Europe et les Etats-Unis.

« Toutes ces initiatives et réalisations soulignent que le SAF est la réponse au défi carbone de l’aviation et la clé pour atteindre les objectifs environnementaux du secteur », conclut Marcelo Amaral. « Le SAF n’est pas l’avenir, il est déjà là, il suffit maintenant de commencer à l’utiliser.

FAQ : Tout ce que vous devez savoir sur le SAF

  • Le SAF est-il moins cher que le kérosène traditionnel ?

Non. Le SAF coûte actuellement deux à cinq fois plus cher que le kérosène conventionnel

  • Comment le SAF peut-il contribuer à réduire l’empreinte carbone de l’industrie aéronautique ?

Le SAF émet moins de CO2 lors de sa production et de sa combustion que le carburant aviation classique. La règlementation européenne exige par exemple une réduction d’émissions de CO2 de 65 % au minimum sur leur cycle de vie par rapport au kérosène.

  • Quels sont les obstacles à la généralisation du SAF ?

La production des SAF est encore très limitée (seulement 0,3 % de la production mondiale de carburants d’aviation en 2023). Les coûts de production restent élevés et les capacités de production sont encore limitées. Il existe également des difficultés logistiques et techniques à surmonter.

  • Les avions peuvent-ils voler avec 100 % de SAF ?

Absolument, certaines compagnies aériennes ont déjà effectué des vols avec du SAF à 100 %.