Pain & Santé : 4 idées reçues contredites par la science

Quels sont les effets de la consommation de pain sur notre santé ? Pour trouver des réponses à cette question, une équipe de chercheurs du Lesaffre Institute of Science & Technology a procédé à une revue rigoureuse de la littérature scientifique sur le sujet(1). Un travail méthodique dont les conclusions remettent en question de nombreux préjugés autour du pain…

La consommation de pain remonte à des milliers d’années, étant l’un des aliments de base les plus anciens et les plus répandus dans le monde. Bien que le pain soit souvent associé au goût, au plaisir et à la tradition, sa perception en tant que vecteur de nutrition et de santé reste complexe.

Y a-t-il des preuves scientifiques solides et concordantes établissant un lien entre la consommation de pain, en tant que catégorie, et les risques d’obésité, de diabète de type 2, ainsi que de maladies cardiovasculaires ? Nous allons nous pencher sur ces questions dans ce premier chapitre consacré au pain et à la santé.

Les chercheurs du Lesaffre Institute of Science & Technology ont mené une large étude de la littérature scientifique pour comprendre la relation entre le pain et les différents aspects de la santé. Près de 200 études incluant des essais épidémiologiques, observationnels et cliniques menées depuis 2000 ont été rigoureusement examinées. Le fruit de cette analyse critique a ensuite été validée par un Comité de lecture indépendant et publiée dans le journal Critical Reviews in Food Science & Nutrition.

Commençons par une première idée reçue encore véhiculée dans deux nombreux régimes.

  • Non, le pain ne fait pas grossir

Les études d’observation(2) ne permettent pas d’établir un lien entre la consommation habituelle de pain (définie comme 4 à 5 tranches par jour dans l’UE) et le risque de surpoids et d’obésité. C’est en effet la totalité de calories, la composition de notre alimentation et notre niveau d’activité physique qui déterminent la prise ou perte de poids, et non la consommation spécifique de pain, qu’il soit blanc ou complet.

Les études d’observation montrant un lien avec la surcharge pondérale et l’obésité portent sur des des régimes alimentaires contenant du pain, mais également la restauration rapide, les boissons sucrées, les sucreries et les desserts.

Question courante : faut-il exclure le pain dans le cadre d’un régime hypocalorique ? Une étude(3) menée sur 16 semaines n’a montré aucune différence de pertes de poids entre le groupe ayant un régime hypocalorique avec pain et l’autre sans pain. Point positif, le groupe avec pain avait une meilleure observance du régime. La même étude a montré un avantage en termes de satiété pour les repas contenant du pain par rapport aux repas sans pain.

En conclusion, le pain consommé raisonnablement n’est associé ni au surpoids, ni à l’obésité, ni à une augmentation de la graisse abdominale(4).

Schéma quantité de pain et obésité

 

  • Non, le pain ne représente pas des calories vides

A la fois accessible et au contenu nutritionnel particulièrement intéressant, le pain est un aliment de base dans de nombreux foyers partout dans le monde. En effet, le pain contribue positivement aux apports en nutriments grâce à ses apports majeurs en fibres alimentaires, en protéines végétales et en micronutriments importants.

Saviez-vous que le pain répond aux critères européens « source de protéines » car il contient au moins 12 % d’énergie provenant des protéines ? Et que le pain blanc est « source de fibres » (3g ou plus pour 100g) tandis que le pain complet est à « haute teneur en fibres » (6g ou plus/100g) toujours selon les critères européens(5).

Chez les enfants et les adolescents, le pain (avec les céréales) est une source d’énergie particulièrement intéressante. Comme en témoigne la figure(6) ci-dessous, il participe aussi à la densité nutritionnelle de plusieurs nutriments, dont la thiamine, l’acide folique, les fibres alimentaires, le fer et le sodium.

A noter que le pain joue un rôle clé dans l’apport de nutriments aux populations vulnérables, souvent grâce à l’enrichissement de la farine dans certains pays en développement.

 

  • Non, on ne peut pas dire que le pain est mauvais pour la glycémie et qu’il faut l’exclure de son alimentation

Même si le pain blanc a un indice glycémique élevé, aucune preuve solide ne montre que l’inclusion du pain blanc dans la diète est associée au risque de diabète de type 2. Des essais cliniques contrôlés sont nécessaires pour établir une relation de causalité.

Ce qu’on peut toutefois dire, c’est que dans la catégorie des féculents, il est conseillé de favoriser les pains, pates et riz complets et les légumineuses pour leur apport en fibres et protéines. Ces aliments à base de glucides complexes ont un impact plus favorable sur la glycémie que les produits raffinés.

Saviez-vous qu’une consommation d’une demi-portion de pain noir par jour ou plus, dans le cadre d’un régime équilibré,  est associée à une réduction du risque de diabète de type 2 par rapport à l’absence de consommation de pain noir(7)?

Le pain complet et les pains aux graines sont en effet plus bénéfiques que le pain de blé raffiné pour la régulation de la glycémie à court terme et la consommation de pains complets peut avoir un effet protecteur contre le diabète de type 2, ce qui doit être toutefois confirmé par des essais cliniques à long terme.

Contrôler son apport en pain ne veut donc pas dire l’exclure totalement, mais plutôt en consommer une quantité selon les recommandations en vigueur et privilégier les variétés les plus riches en fibres. Le pain fait partie intégrante d’une alimentation équilibrée.

 

  • Non, consommer du pain chaque jour n’est pas dangereux pour sa santé cardiovasculaire.

Les études d’observation ne montrent à ce jour aucune association entre la consommation de pain en général (tous types confondus) et le risque de maladie cardiovasculaire.

A noter que les essais cliniques sur l’impact du pain (tous types confondus) sur les facteurs de risque cardiovasculaire tels que les lipides sanguins, l’hypertension, etc. font aujourd’hui défaut. Aucune étude n’a par exemple été trouvée sur le pain blanc et l’hypertension, mais une étude a évalué la relation entre la consommation de céréales raffinées et l’hypertension et n’a signalé aucune corrélation significative.

Que peut-on dire toutefois en termes de prévention :

Des essais cliniques bien conçus ont montré que le pain d’avoine, d’orge et de seigle améliore les lipides sanguins et les marqueurs de la fonction endothéliale par rapport au pain blanc.

Il convient aussi de rappeler que la consommation de pain fait partie intégrante d’un régime alimentaire dit « méditerranéen » recommandé pour la prévention des maladies cardio-vasculaires. Le pain généralement non raffiné y représente 30 à 40 % de l’énergie(8).

Retenons que le pain contient des composants tels que de l’amidon résistant, des fibres solubles (p. ex. pain d’avoine et d’orge) et des huiles saines (p. ex. pain aux graines) qui sont connus pour améliorer les facteurs de risque pour la santé cardiovasculaire.

Question courante : Et la quantité de sel dans le pain, un risque ?

Suivant les types pains et les pays, la teneur en sel varie entre 0,09 g/100g et 2,65 g/100g de pain. Dans certains pays comme la France, la Turquie, les Etats-Unis, le pain est un contributeur majeur de sel(9). Rappelons que l’Organisation mondiale de la santé recommande moins de 5g/jour/adulte ; le sel en quantité importante et à long terme favorise en effet la survenue des maladies cardiovasculaires et plus particulièrement de l’hypertension artérielle.

C’est pourquoi dans certains pays où la consommation de pain est très élevée, un pain à faible teneur en sel pourrait contribuer à réduire le risque d’hypertension, bien que de nouveaux essais cliniques soient nécessaires pour confirmer cette hypothèse.

Vous êtes curieux ?

Pour mesurer l’ampleur de ce travail d’analyse, nous vous invitons à découvrir l’intégralité de cette revue narrative intitulé « L’apport nutritionnel et la relation avec la santé de la consommation de pain ».

Vous pourrez constater qu’il existe encore de grandes lacunes dans les connaissances scientifiques sur le pain et la santé. Un point clé pour comprendre les preuves concernant la consommation de pain et la santé est que le pain est rarement consommé seul et doit donc être étudié pour son impact dans le contexte de l’alimentation globale et non de manière isolée. C’est pourquoi des recherches plus poussées sont nécessaires pour évaluer la consommation ou l’omission de pain et déterminer si sa substitution par d’autres aliments de base peut avoir un impact sur la santé. Ces recherches peuvent inclure des essais cliniques à grande échelle et des études de modélisation alimentaire.

Rendez-vous prochainement pour un nouveau chapitre dédié aux idées reçues contredites par la science.

Notes :

(1) Ribet L, Kassis A, Jacquier E, Monnet C, Durand-Dubief M, Bosco N. The nutritional contribution and relationship with health of bread consumption: a narrative review. Crit Rev Food Sci Nutr. 2024 Nov 18:1-28. https://doi.org/10.1080/10408398.2024.2428593 https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10408398.2024.2428593#d1e222

(2) Etude d’observation : Étude dans laquelle le chercheur n’intervient pas dans le cours naturel des choses et ne fait qu’observer un phénomène ou une population. Vous retrouverez les références aux études observationnelles et cliniques citées dans le (1).

(3) Gonzalez-Anton, C., R. Artacho, MD Ruiz-Lopez, A. Gil et MD Mesa. 2017. Modification of appetite by bread consumption: A systematic review of randomized controlled trials. Critical Reviews in Food Science and Nutrition57 (14) : 3035–50. https://doi.org/10.1080/10408398.2015.1084490 ; https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26479182(ouvrir dans une nouvelle fenêtre).

(4) Loria-Kohen, V., C. Gómez-Candela, C. Fernández-Fernández, A. Pérez-Torres, J. García-Puig et LM Bermejo. Evaluation of the usefulness of a low-calorie diet with or without bread in the treatment of overweight/obesity. Nutrition clinique31 (4) : 455–61. https://doi.org/10.1016/j.clnu.2011.12.002 ; https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0261561411002330

(4) Base de données nutritionnelles CIQUAL (ANSES) – Pain (Aliment moyen)

(5) Papanikolaou, Y., and V. L. Fulgoni. 2017b. Grain foods are contributors of nutrient density for American adults and help close nutrient recommendation gaps: Data from the National Health and Nutrition Examination Survey, 2009–2012. Nutrients 9 (8):873. https://doi.org/10.3390/nu9080873 ;  https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28805734/

(6) Hu Y, Ding M, Sampson L, Willett WC, Manson JE, Wang M, Rosner B, Hu FB, Sun Q. Intake of whole grain foods and risk of type 2 diabetes: results from three prospective cohort studies. BMJ.370:m2206. https://doi.org/10.1136/bmj.m2206 ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32641435/

(7) D’Alessandro A, De Pergola G. Mediterranean diet pyramid: a proposal for Italian people. Nutrients. 2014 Oct 16;6(10):4302-16. doi: 10.3390/nu6104302. PMID: 25325250; PMCID: PMC4210917. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25325250/

(8) World Action on Salt and Health , basée à l’Université Queen Mary de Londres et Şule Aktaç, Aybike Cebeci, Yeşim Öztekin, Mustafa Yaman, Mehmet Ağırbaşlı, Fatma Esra Güneş, Differences in the salt amount of the bread sold in different regions of Turkey: A descriptive study, Human Nutrition & Metabolism, Volume 33,2023,200211,ISSN 2666-1497,https://doi.org/10.1016/j.hnm.2023.200211.