Carburant durable : un vrai défi pour l’aviation

Le carburant d’aviation durable (Sustainable Aviation Fuel) est une technologie clé pour réduire considérablement (et immédiatement) l’empreinte carbone de l’aviation.

Malgré les récentes améliorations en matière de rendement énergétique, l’aviation reste un des principaux responsables du changement climatique. Représentant 2,1 % de toutes les émissions de CO2 d’origine humaine et 12 % de toutes les émissions liées aux transports, le secteur constitue déjà la deuxième plus grande source de gaz à effet de serre au monde. Au regard de la demande croissante pour le voyage aérien, les émissions de l’aviation internationale devraient tripler d’ici à 2050.

Si le monde veut atteindre son objectif climatique ambitieux, à savoir maintenir l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2 degrés Celsius, le secteur de l’aviation doit réduire son empreinte carbone. Toutefois, comme le souligne à juste titre le Forum économique mondial (WEF), le secteur doit le faire sans compromettre les immenses avantages économiques et sociaux que procure le transport aérien :

« Le secteur de l’aviation a joué un rôle important dans la concrétisation des avantages procurés par la mondialisation, mais aussi de ses risques, tels que la pandémie actuelle. C’est dans ce contexte que le secteur de l’aviation et l’ensemble de sa chaîne de valeur sont aujourd’hui confrontés au défi de savoir comment continuer à fournir des avantages d’une manière écologiquement durable. » [1]

Le carburant d’aviation durable (SAF) est la solution pour atteindre cet équilibre entre durabilité et service.

Le SAF est un carburant d’aviation non dérivé du pétrole, produit par le recyclage de matières premières durables ou par l’utilisation du carbone extrait des plantes. Par exemple, le SAF peut être dérivé de déchets agricoles, de sciure de bois ou d’eaux usées. Même l’huile de cuisson usagée, qui serait normalement jetée, peut servir de précieuse matière première pour la fabrication du SAF.

« Le carburant d’aviation durable est une alternative aux sources de carbone que nous utilisons aujourd’hui dans l’aviation qui sont très polluantes et à fortes émissions », déclare Marcelo Amaral, directeur général de Leaf. « Avec le SAF, nous avons la possibilité de réduire les émissions, tout en maintenant – voire en développant – un secteur clé de l’économie. »

Business Unit de Lesaffre, Leaf est un acteur mondial de premier plan dans le développement de la biotechnologie industrielle pour un meilleur avenir. A ce titre, Leaf développe des micro-organismes industriels et des procédés qui rendent possibles les productions renouvelables. En collaboration avec d’autres acteurs dévoués à l’accélération de la transition, Leaf conçoit et met en œuvre des solutions biosourcées de haute performance.

Ces procédés sont basés sur la fermentation et pourraient à terme être utilisés pour produire des SAF.

« Jouant un rôle clé dans la production des ressources bio-renouvelables utilisées par les carburants d’aviation durables, la fermentation contribuera à l’adoption des SAF et accélérera notre progression vers un secteur plus durable », ajoute Marcelo Amaral.

 

Carburant d’aviation durable prêt pour le décollage

En comparaison avec le carburant d’aviation classique, Marcelo Amaral nous explique que l’utilisation de carburant d’aviation durable, y compris les carburants dérivés de ressources bio-renouvelables issues de la fermentation, permet de réduire la consommation de pétrole brut et de diminuer les émissions de carbone sur l’ensemble du cycle de vie.

« Sur l’ensemble de son cycle de vie, le SAF a une empreinte carbone jusqu’à 80 % inférieure à celle du kérosène traditionnel d’origine fossile », précise-t-il.

Mais au-delà de son potentiel de réduction significative des émissions d’un avion, le SAF présente également une densité énergétique supérieure à celle du kérosène traditionnel. Et, après avoir été soumis à des tests rigoureux, le SAF a déjà prouvé qu’il pouvait être utilisé en toute sécurité sur les avions commerciaux.

Contrairement à d’autres sources de carburant alternatives (par exemple, l’hydrogène, les batteries électriques), le SAF est certifié « drop-in » ou « prêt à l’emploi ». En d’autres termes, il possède des propriétés, des qualités et des caractéristiques similaires à celles des carburants Jet A et Jet A1 (le kérosène utilisé par la plupart des avions à réaction).

 « Cela signifie que les avions utilisant du SAF ont les mêmes performances que ceux fonctionnant avec des carburants d’origine fossile », précise Marcelo Amaral. « De plus, l’utilisation du SAF ne nécessite aucune modification de l’avion ni aucune infrastructure au sol supplémentaire, de sorte que dès aujourd’hui, tout avion peut déjà fonctionner avec du SAF. »

 

Le besoin de mise à l’échelle

Malgré ces atouts, l’utilisation du SAF reste faible – les principaux facteurs limitatifs étant le manque de disponibilité et les coûts élevés. Selon le WEF (World Economic Forum), en 2019, moins de 200 000 tonnes métriques de SAF ont été produites dans le monde. Cela ne représente même pas 0,1 % des quelques 300 millions de tonnes de kérosène consommées par les compagnies aériennes commerciales chaque année – et cela ne tient même pas compte du carburant utilisé par les secteurs de l’aviation d’affaires et de l’aviation générale.

En raison de l’offre limitée, il existe un manque généralisé de demande de SAF. Un déséquilibre entre l’offre et la demande qui rend le coût du SAF plus de deux fois supérieur à celui du kérosène classique, ce qui le met hors de portée de nombreux opérateurs.

Alors, pour que le SAF devienne économiquement viable, la production doit être considérablement augmentée, ce à quoi la fermentation pourrait contribuer.

Selon Marcelo Amaral, la fermentation industrielle performante repose sur des micro-organismes avancés et des services techniques intelligents. Leaf fournit à la fois des produits et une expertise en matière de processus dans le monde entier, aujourd’hui pour le bioéthanol renouvelable et demain pour des produits chimiques bio-sourcés. Par exemple, son approche unique « Comprehensive Coupled Product and Process », ou CP2, combine l’expérience et les avancées récentes de Leaf avec des investissements dans l’innovation et la recherche.

« Alors que le SAF passe à l’échelle commerciale, Leaf est bien positionné pour être le partenaire de fermentation industrielle pour un avenir durable », ajoute Marcelo Amaral. « Et, à mesure que la production de SAF monte en puissance, les coûts vont baisser et la demande augmenter – ouvrant finalement la porte à l’ère de l’aviation durable. »

 

Vers l’ère de l’aviation durable

Des programmes, tels que la Commercial Aviation Alternative Fuels Initiative (CAAFI), contribuent à accélérer la transition vers le SAF. Partenariat public/privé entre la communauté aéronautique et l’administration fédérale de l’aviation américaine (FAA), la CAAFI a pour objectif de promouvoir le développement de solutions de kérosène alternatives. Celles-ci offrent une sécurité équivalente et des coûts avantageux par rapport au kérosène à base de pétrole, tout en améliorant l’environnement et la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’aviation.

La transition vers le SAF est également stimulée par des initiatives réglementaires. Par exemple, l’Union européenne, qui vise à devenir neutre en carbone d’ici 2050, exigera que tout le carburant aviation fourni aux exploitants d’aéronefs dans les aéroports de l’UE contienne une part minimale de SAF. Lorsque le mandat entrera en vigueur en 2025, cette part minimale devrait être de 2 %, avec des augmentations fixes tous les cinq ans, pour atteindre un volume minimal de 63 % en 2050.

De l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis, le Sustainable Skies Act de 2021 vise à stimuler l’utilisation des SAF en offrant un crédit par gallon reposant sur les réductions de gaz à effet de serre sur le cycle de vie que le SAF procure. Cette loi a été suivie de plusieurs autres initiatives, qui visent toutes à porter la production de SAF à au moins 3 milliards de gallons par an d’ici 2030.

Ces initiatives ont clairement attiré l’attention de l’industrie, Air France ayant annoncé que plus de 15 000 tonnes de SAF seront consommées par sa flotte cette année, soit environ 10 fois plus que la quantité que la compagnie aérienne a consommé en 2021. Aux États-Unis, United Airlines est entrée dans l’histoire quand un vol entre l’aéroport O’Hare de Chicago et l’aéroport national Reagan de Washington est devenu le premier vol commercial avec passagers à utiliser 100 % de SAF en carburant d’appoint pour l’un des deux réacteurs de l’avion.

« Toutes ces initiatives et ces accomplissements soulignent que le SAF est la réponse au défi du carbone de l’aviation et la clé pour atteindre les objectifs environnementaux de l’industrie », conclut Marcelo Amaral. « Le SAF n’est pas une éventualité future – il est déjà là, il faut juste commencer à l’utiliser. »

Conférences Bioket 2022 : focus sur la dépendance de l’aviation aux combustibles fossiles

A l’occasion des conférences Bioket 2022, qui se dérouleront du 15 au 17 mars à Lille (France),  Marcelo Amaral, directeur général de Leaf, prendra la parole lors de la plénière du 17 mars dédiée à la réduction de la dépendance de l’aviation aux combustibles fossiles (https://bioket-2022.b2match.io/page-2331)