Fermentation solide : des applications porteuses d’avenir

Avec l’augmentation de la population mondiale, répondre aux besoins alimentaires et énergétiques de la planète tout en respectant l’environnement est devenu un enjeu majeur. Utilisée depuis des milliers d’années, la fermentation sur substrat solide est une alliée de choix pour relever ce défi. 

La fermentation en milieu solide est un phénomène naturel que l’Homme a commencé à maîtriser il y a des milliers d’années pour transformer les aliments. En Asie, ce procédé sert de base à la confection de nombreux produits alimentaires fermentés : tofu, saké… Ailleurs sur la planète, la fermentation solide intervient dans la confection de certains fromages, notamment à pâte persillée, du pain, ou encore dans le traitement des fèves pour produire du chocolat, du café… 

Historiquement, la fermentation en milieu solide était employée pour prolonger la durée de conservation des produits alimentaires et améliorer leurs qualités nutritionnelles. Aujourd’hui, de nombreuses autres applications sont trouvées à ce procédé naturel, notamment pour relever des défis environnementaux, énergétiques ou encore agricoles.  

 

Fermentation solide : de quoi s’agit-il ?  

La fermentation sur substrat solide est un procédé durant lequel des micro-organismes se développent dans un milieu ne comprenant pas ou très peu d’eau libre. Le substrat ou support de la fermentation sert de source d’aliments aux micro-organismes qui s’y développent. Il n’est pas soluble, mais solide. Les champignons filamenteux représentent le type de micro-organismes le plus adapté à la fermentation solide, puisque ce mode de culture reproduit leur habitat naturel. Mais des bactéries peuvent également être employées, par exemple dans le compostage, ainsi que des levures pour la production d’éthanol ou encore l’alimentation.  

 

Moins d’impact sur l’environnement 

L’un des points forts de la fermentation sur substrat solide par rapport à la fermentation en milieu liquide ou submergé, est sa faible empreinte environnementale. Elle s’inscrit donc parfaitement dans la volonté des industries de produire plus naturellement. « Pour produire des spores en fermentation sur substrat solide, nous utilisons moins d’eau qu’en milieu liquide, avec à la clé moins d’effluents et moins d’énergie consommée pour le séchage, puisque les matrices utilisées pour nos fermentations sont des résidus agro-industriels. Enfin, nous utilisons très peu de produits chimiques, nos matrices et additifs étant naturels », indique Priscilla Poirier, responsable R&D chez Metaspora, le site de production d’Agrauxine by Lesaffre dédié à la production de biomasse fongique par fermentation sur substrat solide. 

Les équipes de Metaspora reproduisent la fermentation naturelle sur substrat solide dans les meilleures conditions possibles : stérilisation du substrat, salle blanche, contrôle de la température… Les spores ainsi obtenues sont identiques aux spores naturelles et d’excellente qualité. 

 

Un procédé, plusieurs possibilités 

Actuellement, l’activité de Metaspora est centrée sur la production de biomasse de micro-organismes vivants, principalement des champignons filamenteux pour le biocontrôle. La fermentation solide permet en effet de produire des biopesticides stables et résistants au dessèchement pour le contrôle des parasites et des maladies des plantes. Un marché promis à un bel avenir, puisqu’agriculteurs et consommateurs sont de plus en plus demandeurs d’alternatives « vertes » aux pesticides, fongicides et herbicides chimiques. La tendance est aussi encouragée par de nombreux gouvernements ; la France notamment à travers ses plans « Ecophyto » successifs.  

« Actuellement, notre activité est très majoritairement centrée sur le biocontrôle pour la partie production, mais nous développons de la recherche et des activités sur d’autres secteurs : santé animale, nutraceutiques, cosmétiques… », explique Pierre Grammare, directeur de Metaspora. 

Les applications possibles à la fermentation solide sont nombreuses et la production de micro-organismes vivants n’est que l’une des possibilités offertes par ce procédé. Il peut aussi permettre de produire des enzymes (cellulases, xylanases, protéases) ou d’autres molécules d’intérêt. Dans ce cas, il s’agit de multiplier un micro-organisme qui est par exemple riche en une certaine enzyme, puis de le détruire pour extraire l’enzyme. La fermentation solide rend possible la production des enzymes à l’échelle industrielle pour l’industrie textile, papier, alimentaire, la formulation de détergents…   

Enfin, la fermentation solide peut aussi être employée dans le but de modifier le substrat, par exemple dans le but d’en améliorer les qualités des matières premières d’un point de vue nutritionnel et fonctionnel. Ainsi des travaux de recherche* ont montré qu’il était possible d’augmenter les protéines totales et digestibles de tourteau de colza et d’atteindre des teneurs comparables à celles du tourteau de soja, principale source de protéines en nutrition animale. 

 

 

De nombreuses applications

Ces vingt dernières années, des industries très diverses ont eu recours à la fermentation solide. De nombreuses recherches sont en cours pour lui trouver de nouvelles applications.  

Du côté de la santé et de l’alimentation animale par exemple, les spores produites par fermentation solide peuvent servir de biocide, d’insecticide, de probiotique… Des recherches sont menées sur le champignon Agaricus blazei, riche en bêta-Glucane et qui, mélangé à l’alimentation des bêtes, pourrait diminuer le stress et améliorer l’immunité dans les élevages. D’autres travaux cherchent à ajouter des micro-organismes à l’alimentation animale afin qu’ils soient relâchés sur les prairies et contrôlent les nématodes, des vers parasites des animaux.  

La fermentation solide connaît encore des développements dans l’alimentation humaine, notamment grâce à la croissance du marché des alternatives à la viande et des produits végans. Des substituts de steaks à base de mycélium de champignons, ayant des propriétés proches des fibres animales, sont par exemple mis au point.  

Le futur des biocarburants (biodiesel, bioéthanol) pourra aussi compter sur des substances issues de la fermentation sur substrat solide. Avec à la clé un coût de production moindre dû à l’emploi de substrats peu coûteux.  

Parmi les nombreuses autres applications, on peut citer la biorémédiation, c’est-à-dire l’emploi de micro-organismes pour dépolluer les sols, le compostage, la méthanisation, le piégeage de carbone de l’air, la conception de cuir de champignon pour l’industrie textile, les emballages, le contrôle d’insectes chez les particuliers… 

 

Détecter les évolutions du marché au plus tôt 

Aujourd’hui, Metaspora produit des micro-organismes pour diverses entreprises et est régulièrement contacté par des sociétés porteuses de projets innovants. Un avantage pour ses équipes Agrauxine et demain Lesaffre estime Priscilla Poirier : « Cela nous permet d’avoir une bonne compréhension du marché et d’avoir connaissance de ses évolutions au plus tôt. » 

* Valorisation du tourteau de colza par fermentation en milieu solide pour une application en alimentation animale – Thèse de Stéphanie SUTTER (2017) -Plateforme de pré-développement en biotechnologie, Welience (PPB) UMR Procédés Alimentaires et Microbiologiques (UMR PAM)