Bières sans alcool : elles n’ont plus rien à envier aux mousses classiques

Les bières étiquetées « 0,0 » se sont installées durablement dans les rayons des supermarchés. Elles se trouvent même parfois à la pression aux comptoirs de certains bars. Autrefois un choix par défaut, boire une bière sans alcool est devenu un réel « choix plaisir ». Il faut dire que ces produits ont bien évolué. Les bières sans alcool actuelles ne ressemblent plus du tout aux boissons très sucrées ou très aromatisées, plus proches des sodas, proposées comme alternatives il y a encore quelques années. Elles possèdent aujourd’hui l’amertume caractéristique, la fraîcheur et les qualités gustatives d’une mousse classique.

 

Une tendance de fond

Les amateurs de Lagers et d’Ales ne s’y trompent pas. Si le marché des bières sans alcool est encore assez réduit, il progresse à vive allure. La demande est en plein essor, avec un taux de croissance annuel composé de 7,4%¹. Le volume des bières sans alcool dans la vente totale de bière en Europe est passé de 1,8% en 2013 à 3,8% en 2019². En 2026, le marché des mousses sans alcool devrait représenter plus de 22 milliards de dollars³.

Une tendance qui a toutes les chances de s’inscrire dans la durée, puisqu’elle est portée par les plus jeunes générations de consommateurs : les Milléniaux et la Génération Z⁴. On opte pour une mousse sans alcool pour des raisons médicales, religieuses, pour pouvoir prendre la route ensuite ou finir sa journée de travail… Des raisons classiques auxquelles viennent s’ajouter des préoccupations dans l’air du temps. Les bières sans alcool représentent un choix « bien-être », plus sain et moins calorique, qui s’inscrit dans la tendance du « Dry January », le défi du mois de janvier sans alcool qui gagne en popularité. Enfin, de plus en plus d’amateurs de mousses plébiscitent ces nouvelles boissons à 0% simplement parce qu’ils en aiment le goût.

 

Le savoir-faire des craft brewers

L’augmentation de la qualité des bières sans alcool qui a eu lieu ces dernières années s’explique sur un plan technique. « Les premières bières à 0% ressemblaient à du moût non fermenté. Or le moût est très peu qualitatif en termes d’expérience dégustateur et de rafraîchissement », indique Gilles Goemaere, responsable du support technique des ventes chez Fermentis by Lesaffre. « Grâce au savoir-faire des craft brewers, ces microbrasseurs produisant des bières artisanales, on a progressé vers une expérience très proche de celle de boire une bière classique. »

 

Deux grands principes de production

Pour comprendre comment ces acteurs ont développé leur savoir-faire, il faut revenir aux différents processus de fabrication possibles de ces bières sans alcool. On compte deux méthodes principales. La première, pratiquée par les grands industriels, est de fabriquer une bière classique puis de la désalcooliser, par exemple par évaporation. Les fabricants emblématiques de bières ajoutent en général des arômes afin de recréer un bouquet final proche de leur produit phare de la marque. Ces bières sont coûteuses à produire car elles impliquent une étape de production supplémentaire et des installations de désalcoolisation onéreuses. Les petites brasseries « craft » n’ayant pas ces moyens, elles jouent sur d’autres aspects comme le choix des matières premières et des micro-organismes de fermentation. C’est pour les accompagner que Fermentis by Lesaffre, BU experte en fermentation alcoolique, a sélectionné une levure idéale pour la production de bières sans alcool. « Nous avons développé une Saccharomyces cerevisiae var. chevalieri qui n’assimile pas le maltose et le maltotriose mais qui assimile les sucres simples : le glucose, le fructose et le sucrose. Un brasseur peut donc utiliser cette souche en sachant qu’il va fabriquer moins d’alcool », explique Philippe Janssens, responsable R&D bière et brassage. Cette souche est capable de produire des boissons très faiblement alcoolisées et fournir les arômes essentiels attendus dans la bière sans faux goûts Le brasseur obtient donc une bière agréable grâce à la fermentation et peut jouer sur divers ingrédients (houblons, malts…) afin de créer sa propre signature.

Nommée SafBrew™ LA-01, cette levure s’utilise comme une levure sèche habituelle. « Le brasseur réalise un moût un peu moins dense, y ajoute la levure et obtient dans un temps assez court une bière faiblement alcoolisée consommable quasiment immédiatement. La levure ne fermentant que moins de 20% des sucres fermentescible du moût, on obtient une bière beaucoup moins alcoolisée avec un mout de départ très similaire », ajoute Gilles Goemaere.

 

Des bières plus complexes à produire

Pour produire une bonne bière sans alcool, il faut aussi surmonter quelques difficultés. Par exemple, en fin de processus de production des bières sans alcool, il reste des sucres non fermentés accessibles aux levures classiques. Pour obtenir une bière stable dans le temps, et afin que les micro-organismes vivants n’altèrent pas la boisson, une étape finale de pasteurisation est nécessaire. Une bière sans alcool aura aussi tendance à « vieillir » plus rapidement, parce qu’elle comporte moins d’alcool et les composés restant dans la matrice sont plus sensibles à l’oxydation. Le moindre défaut sera perçu plus rapidement, le brasseur devra donc tenir compte de ces contraintes et « masquer » certaines notes pouvant apparaître au fil du temps.

 

Les bières sans alcool promises à un bel avenir

Côté technologie et innovation, la sélection des micro-organismes pouvant produire des bières faiblement alcoolisées évolue rapidement, tout comme les découvertes quant à leurs aptitudes et aux combinaisons possibles… Les micro-organismes sont capables de créer de nombreux arômes très variés, ce qui va permettre de créer une grande diversité au sein des bières sans alcool. « Nous n’en sommes qu’aux balbutiements de ce type de produits », estime Philippe Janssens. « Les bières sans alcool vont encore gagner en qualité et voir leur volume de vente progresser au fil des ans. »