Les bactéries, des alliées de choix pour les activités humaines

Présentes dans tous les biotopes1, les bactéries sont apparues très tôt sur Terre, mais n’ont été étudiées qu’au milieu du XIXe siècle, avec l’apparition du microscope. Le plus souvent utiles à l’Homme, leurs applications industrielles seraient innombrables. Le point avec Hassina Ait-Abderrahim, directrice des plateformes de recherches et développement bactéries de Lesaffre.

« Les bactéries sont ubiquitaires sur Terre. Elles existent depuis 3,5 milliards d’années, alors que nous autres, êtres humains, ne sommes présents que depuis 200 000 ans ! », s’enthousiasme Hassina Ait-Abderrahim. Organismes vivants microscopiques, les bactéries se présentent sous formes sphériques ou de bâtonnets. Si leur patrimoine génétique n’est constitué que d’un seul chromosome, les bactéries ont su évoluer, développant voies métaboliques et autres astuces pour survivre. Elles se regroupent par exemple en communautés, se fixant ainsi à des surfaces au sein de biofilms2. « Elles ont eu cette intelligence, presque Darwinienne, de s’adapter, car elles sont opportunistes, relate la spécialiste. Elles ont également contribué à notre évolution, et nous avons appris à vivre avec elles, dans une relative symbiose. »

Des techniques ancestrales de fermentation aux techniques industrielles

« Nos ancêtres utilisaient déjà les bactéries, sans le savoir, pour conserver des aliments plus longtemps », souligne la scientifique. La fermentation naturelle du lait, liée à la présence de bactéries lactiques et de levures dans l’environnement, a contribué à leur notoriété. « Pour se nourrir, les bactéries utilisent, comme source de carbone et d’énergie, des sucres très divers, dont le lactose, qu’elles dégradent en sucres simples et transforment grâce à des enzymes en différents composés comme des acides organiques, CO2 et de l’éthanol. De plus elles sont capables de dégrader les protéines présentes dans le milieu en peptides et acides aminés nécessaires pour leur croissance mais également en tant que précurseurs d’arômes et bien d’autres fonctionnalités connues ou à découvrir ! » s’enthousiasme la scientifique.  « Pour se nourrir, les bactéries utilisent, comme source de carbone et d’énergie, des sucres très divers, dont le lactose, qu’elles dégradent en sucres simples et transforment, grâce à des enzymes, en différents composés : acides aminés, protéines, acides organiques, qui diminuent le pH des aliments et favorisent leur conservation », détaille la spécialiste.

Si la nourriture fermentée remonte à 8 000 ans, elle représente encore une grande partie de notre alimentation actuelle : pain, yaourt, saucisson, choucroute, fromage, sont autant de mets fermentés qui trouvent aujourd’hui leur place sur notre table. De naturelle, la fermentation a été industrialisée, grâce aux observations au microscope de Louis Pasteur sur les « ferments vivants ». « Le secteur agroalimentaire a, par la suite, fait le lien entre la présence de ces micro-organismes et la conservation des aliments, explique Hassina Ait-Abderrahim, isolant des bactéries dites homofermentaires, qui produisent de l’acide lactique, et d’autres hétérofermentaires, qui convertissent les sucres en acide lactique, acétique, éthanol et CO2 ».

Acteur mondial incontournable de la fermentation depuis plus d’un siècle, Lesaffre a développé avec des chercheurs, des générations de levains – savants mélanges de bactéries et de levures – qui s’adaptent aux habitudes culinaires et aux besoins de ses clients, car « la fermentation apporte aussi aux aliments, des qualités organoleptiques comme l’arôme, le goût, la texture, la saveur et la consistance ».

Les bactéries, une source d’applications inépuisables

Mais le pouvoir des bactéries ne s’arrête pas à la fermentation. Et les industriels l’ont très vite compris ! Certains composés bactériens, les exopolysaccharides, ont notamment des propriétés antitumorales. Et les bactéries génétiquement modifiées servent désormais à fabriquer des produits pharmaceutiques tels que l’insuline et des antibiotiques.

Longtemps considérées comme des agents pathogènes, les bactéries tendent à regagner leurs lettres de noblesse, avec les recherches sur le microbiote intestinal. « Les 100 000 milliards de bactéries de notre intestin, influencent de façon positive notre organisme, renforçant notre système immunitaire, luttant contre les pathogènes, et modulant même la concentration en hormone du bonheur, la sérotonine ! », s’enthousiasme la spécialiste.

Au niveau environnemental, « les bactéries présentent aussi des propriétés antifongiques intéressantes pour combattre les parasites des plantes à la place des pesticides ». Autre intérêt, celui du traitement des déchets : exposées à long terme à une contamination comme les hydrocarbures d’une marée noire, les bactéries développent la capacité de les dégrader et même de les assimiler !

Enfin, ces organismes sont aussi utiles à la réduction de l’empreinte carbone des industriels. Grâce à elles, la méthanisation permet de produire du biogaz, à partir des effluents, qui peut être ensuite utilisé comme source d’énergie.

Entreprendre ensemble pour mieux nourrir et protéger la planète

Conscient de l’ampleur du potentiel des bactéries, Lesaffre, expert dans le levain, souhaite désormais se positionner comme un acteur majeur dans le domaine des bactéries. « Aussi, une plateforme R&D a été dédiée aux bactéries et nous visons le chiffre de 10 000 souches d’ici 2021 », précise Hassina Ait-Abderrahim qui dirige ces activités.

Le Groupe met l’accent sur le ciblage de certaines bactéries pour enrichir sa gamme Bien-être et santé, et contribuer notamment au rééquilibrage de la flore intestinale, au renforcement du système immunitaire, à l’amélioration de la santé vaginale, et au renforcement de la santé osseuse. « Il y a 2 000 ans, Hippocrate déclarait : ” faites de vos aliments, vos médicaments ! ” »  une phrase qui trouve aujourd’hui tout son sens, commente l’experte, pour qui « le champ des possibles, avec les bactéries, semble infini ».

Le Groupe entend également se diversifier et explorer le potentiel bactérien pour tirer le meilleur parti des ressources de la planète. À côté des bactéries lactiques, la collection Lesaffre contient aussi des bactéries sporulantes, dont certaines pourraient améliorer les rendements agricoles en déphosphorylant les sols, et d’autres, servir à la réduction des pesticides. Car les femmes et les hommes de Lesaffre ont avant tout, à cœur, « d’entreprendre ensemble pour mieux nourrir et protéger la planète ».

 

1. Biotope : milieu de vie relativement stable, défini par un certain nombre de caractéristiques géologiques, géographiques et climatologiques qui détermineront les conditions de vie des êtres qui y habiteront.
2. Biofilm : communauté multicellulaire, souvent symbiotique, de micro-organismes, adhérant entre eux et à une surface.
Le champ des possibles, avec les bactéries, semble infini ...
Hassina Ait-Abderrahim
Directrice des plateformes R&D bactéries chez Lesaffre

Quand les bactéries et les levures entrent en symbiose

Les levains naturels comportent une population hétérogène de bactéries lactiques et des levures vivant en symbiose3. « Cette association réciproque entre les deux populations dans la fermentation contribue au développement d’autres propriétés attribuées aux bactéries, décrit Hassina Ait-Abderrahim, comme la production de précurseurs d’arômes, ou la production d’exopolysaccharides qui apportent du moelleux au pain. Dans cet environnement symbiotique, certaines bactéries lactiques peuvent même développer des propriétés antifongiques ». En jouant sur cette association symbiotique, et sur la diversité existante des bactéries et des levures, Lesaffre travaille sur les potentialités de ses solutions de fermentations naturelles, afin de répondre aux demandes de chacun de ses clients, dans des secteurs aussi divers que l’alimentation, la santé, la nutrition, ou l’environnement.

3. Symbiose : association biologique durable et réciproquement profitable entre des organismes vivants.