Naturalité : tendances, convictions et innovations

De nos jours, les consommateurs sont en quête d’une alimentation plus saine, porteuse de sens. Une attente qui passe par le bio, le local, le « sans additif » ou le « naturel », et qui appelle les entreprises à davantage de transparence, a fortiori dans le secteur agro-alimentaire.

« Si la naturalité est autant en vogue, c’est parce qu’elle s’érige comme la meilleure voie de réassurance vers le sain, l’inoffensif, et le bon », explique Natexpo, qui organise le Salon international des produits biologiques. « Le naturel génère des pensées positives relevant de la symbolique santé et goût, renchérit Pierrick Gomez, spécialiste des comportements des consommateurs à la Reims Management School. Il y a ainsi un raccourci entre le naturel et les autres bénéfices, ce qui fait que les produits naturels sont en général préférés aux produits artificiels ».

Mais qu’entend-on vraiment par « naturel » ?

Alors que les consommateurs plébiscitent chaque jour davantage une alimentation saine et naturelle, les réglementations entourant cette allégation dans le monde sont rares. La perception du « naturel » varie parfois d’un pays à l’autre en fonction des habitudes de consommation et de la psychologie des consommateurs.

Aux États-Unis, l’USDA (United States Department of Agriculture) définit comme « naturel » un produit ne contenant « aucun ingrédient artificiel ou couleur ajoutée ». Un aliment « peu transformé, traité d’une manière qui ne modifie pas fondamentalement le produit ». Les animaux élevés avec des hormones et des antibiotiques peuvent ainsi toujours entrer dans la catégorie « nature ».

En France, les consommateurs sont plus restrictifs. Ils définissent principalement le « naturel » par l’absence d’attributs indésirables, tels que les additifs et… L’intervention humaine. Un produit naturel est un produit dans un état aussi proche que celui dans lequel on le trouve dans la Nature. Les consommateurs prennent aussi en compte, comme outre-frontières, le process de fabrication et la dénaturation du produit. Plus le produit est travaillé, transformé, et moins il est considéré comme « naturel ».

Aux États-Unis, l’association de consommateurs Consumer Reports assure que 73 % des personnes sondées recherchent des produits avec l’étiquette « nature » – un pourcentage plus élevé que ceux qui achètent des aliments biologiques, d’ordinaire plus rigoureusement étiquetés*. Cette quête de naturalité n’est pas nouvelle. Elle a débuté dans les années 1970. Mais jusqu’au début du XXIe siècle, il s’agissait encore d’un marché de niche de qualité auquel seuls quelques consommateurs du monde entier avaient accès. Aujourd’hui, elle répond « à un besoin de réassurance chez les consommateurs », analysent Blezat consulting, le Crédoc et Deloitte Développement Durable, dans une étude commandée par les ministères de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.

Les produits naturels rassurent les consommateurs dans un contexte de méfiance où certaines substances chimiques ont été mises en cause dans le développement de diverses pathologies. Le succès de l’application Yuka le démontre. En 2019, elle avait déjà séduit plus de 12 millions d’utilisateurs dans six pays européens. Cette application permet de détecter les additifs des produits proposés à la vente, et de les noter selon leurs impacts sur la santé. Les consommateurs s’impliquent davantage. Ils tendent à devenir des « consomm’acteurs » et à rechercher « des produits qui vont au-delà du label bio », souligne Agro-media dans son dossier Naturalité, Clean Label et Bio. « De la récolte au processus de production, du zéro gâchis aux packagings recyclables, toutes les cases doivent désormais être cochées » pour satisfaire les consommateurs.

Comment atteindre la confiance du consommateur en quête de transparence, d’authenticité et de qualité ?

Ainsi, dans l’industrie agro-alimentaire, le respect de la naturalité est quasiment devenu un prérequis à tout nouveau développement. Les allégations « nature » ou « d’origine naturelle », de même que les étiquetages « sans gluten, sans OGM, sans additif » déferlent désormais sur les emballages des industriels, afin d’afficher de la transparence sur leurs matières premières ou sur leurs procédés de transformation, et de rassurer ainsi leurs clients.

Pourtant, la démultiplication des allégations liées à la composition des produits tend à produire, chez les consommateurs, l’inverse de l’effet escompté. Informés et éduqués par les programmes de prévention gouvernementaux, « les consommateurs se retrouvent souvent désabusés devant la masse d’informations contradictoires à laquelle ils ont accès », explique la sociologue Sarah Zanetti, dans le magazine lsa.fr. « Les consommateurs développent une grande méfiance à l’égard des garanties sécuritaires mises en avant par certaines marques », percevant même parfois la surenchère des allégations comme douteuse.

L’industrie agro-alimentaire se trouve donc dans une période charnière où les consom’acteurs en quête d’authenticité, de qualité, et de naturalité, veulent prendre le pouvoir sur ce qu’ils mangent. Pour répondre à leurs attentes, les industriels devront donc faire un effort de transparence sur l’origine de leurs produits : s’efforcer de diminuer les additifs et les intrants chimiques, modifier leurs procédés de fabrication pour limiter le degré de transformation, et améliorer la valeur nutritionnelle de leurs denrées alimentaires. Dans ce contexte, le recours aux procédés naturels, tels que la fermentation, est un réel avantage.

Comment des procédés comme la fermentation peuvent-ils apporter une réponse concrète aux consommateurs ?

L’extrait de levure est un atout pour les fabricants de produits alimentaires qui souhaitent adopter un positionnement naturel ou « Clean Label », car il est fabriqué à partir de levure fraîche, un ingrédient présent partout dans la nature et utilisé depuis des siècles par d’anciennes civilisations pour produire du pain ou du vin. Le recours à ce procédé traditionnel tend à rassurer les consommateurs. La tradition représente généralement un terroir. Elle est garante d’un savoir-faire, d’une authenticité, d’une origine. D’un héritage immatériel qui se transmet de génération en génération, et qui a survécu, car il était porteur de sens.

Lesaffre propose en effet une large gamme d’ingrédients alimentaires d’origine naturelle, qui répondent à un besoin, en améliorant naturellement le goût et les saveurs de certains produits, ou en éliminant la réminiscence de résidus de goûts perçus négativement, comme l’amertume ou les notes métalliques. L’amélioration de l’état nutritionnel de la population constitue, par ailleurs, un enjeu majeur pour les politiques de santé publique, en France comme à l’international. Dans ce cadre, les extraits de levure et les levures nutritionnelles sont des alliés de choix. Développés grâce à l’expertise des équipes R&D, ces produits innovants sont capables d’intensifier la perception des saveurs sucrées et salées, dans un contexte de réduction de ces exhausteurs de goût dans les produits finaux. Dans le thé glacé, ils neutralisent les notes déformées données par la stevia ou l’acésulfame K, sans affecter le profil gustatif global. De nombreux produits végans, issus de la fermentation, font aussi l’objet d’un regain d’intérêt. Enfin, Lesaffre n’hésite pas à revoir certains de ces procédés pour supprimer les émulsifiants, même exemptés d’étiquetage. Le tout afin d’apporter toujours plus de satisfaction et d’authenticité à ses clients en quête de naturalité.

 

*https://www.consumerreports.org/food-safety/peeling-back-the-natural-food-label/
Nous continuons à travailler sur la formulation de nos produits pour arriver à une liste d’ingrédients très simples, et facilement compréhensibles par nos clients, pouvant répondre au « Clean Label ».
Elodie Rubio
Conseillère en affaires réglementaires chez Lesaffre

Naturalité, « Clean Label » et soutien aux consommateurs

Trois questions à Elodie Rubio, conseillère en affaires réglementaires chez Lesaffre

Le terme « Clean Label », associé à la naturalité des ingrédients est de plus en plus utilisé dans l’industrie agro-alimentaire. Que signifie-t-il ?

Le terme de « Clean Label » est avant tout un concept marketing, né du monde des ingrédientistes, et qui se réfère à la volonté de réduire le nombre d’additifs ou de les supprimer pour répondre aux inquiétudes des consommateurs. C’est une tendance assez ancienne, en vigueur depuis plus de 10 ans, qui a évolué pour aller vers les notions de naturalité, et de ce qui est bon pour le consommateur, ou « better for you ».

Comme ce concept n’est pas réglementé, les entreprises choisissent différents angles d’approche pour satisfaire les attentes de leurs clients. Certaines utilisent des allégations comportant le mot « sans » : sans gluten, sans OGM, sans agent de conservation. D’autres tendent à simplifier leurs produits et à les reformuler à partir d’ingrédients qui ne sont pas controversés, et que leurs clients retrouvent au quotidien dans leur cuisine.

La levure et la fermentation peuvent-elles bénéficier de l’allégation « d’origine naturelle » ? Comment sont-elles perçues par les consommateurs ?

La naturalité fait référence à un état aussi proche que celui que l’on trouve dans la nature. Dans le monde, les réglementations entourant cette allégation sont rares. En France, cependant, il existe une doctrine administrative en vigueur, avec une note d’information datant du 18 août 2009. Elle reconnaît la possibilité d’utiliser la qualification « d’origine naturelle » pour les denrées issues de fermentations à l’aide des cultures de micro-organismes. La position des associations professionnelles (EFFCA, COFALEC, UK FSA Guidance*) sur l’allégation « naturel » va également dans ce sens. Levures et fermentation font partie du patrimoine culturel des consommateurs, comme en témoigne, pendant la crise du Covid-19, la hausse des ventes de levures aux consommateurs désireux de faire leurs pains eux-mêmes.

Quelles sont vos recommandations en interne pour que le consommateur s’y retrouve dans la jungle des « claim labels » ?

Nous travaillons de concert avec l’administration, afin de rester positif, de ne pas jouer sur les allégations « sans » qui tendent à mettre le doute dans l’esprit des consommateurs. L’idée est aussi de ne pas multiplier à l’excès les revendications sur l’emballage des produits Lesaffre. Au contraire, nous continuons à travailler sur la formulation de nos produits pour arriver à une liste d’ingrédients très simples, et facilement compréhensibles par nos clients, pouvant répondre au « Clean Label ».

 

*EFFCA European Food & Feed Cultures Association
COFALEC Confederation of yeast producers
UK FSA GUIDANCE United Kingdom Food Standards Agency Guidance