Une sélection orientée de levains pour s’adapter aux attentes des consommateurs

Étonnante symbiose que celle qui réunit levures et bactéries lactiques présentes sur l’enveloppe des céréales et dans l’environnement « boulanger » pour créer le levain ! Connu depuis plus de 8000 ans, ce ferment avait été substitué au début du XXe siècle par la levure, plus simple d’utilisation. Il regagne désormais ses lettres de noblesse dans un contexte de recherche d’aliments plus typiques et plus savoureux.

Les levains s’inscrivent dans la tradition en raison de leur caractère plurimillénaire et des savoir-faire propres à chaque région, développés au fil du temps. L’élaboration traditionnelle du levain nécessite d’abord la confection d’un levain chef, qui repose sur la fermentation spontanée s’opérant dans un mélange de farine et d’eau régulièrement rafraîchi par des ajouts d’eau et de farine.

 

D’empiriques, les connaissances sur ce ferment se sont peu à peu développées scientifiquement. Le levain est devenu un procédé maîtrisé, basé sur « une sélection orientée du type de levures et de bactéries lactiques. À ce jour, plus de 50 espèces de bactéries et 25 espèces de levures ont été identifiées dans les levains panaires à travers le monde », explique Nicolas Zabukovec, responsable de la formation ‘Baking Center™ Academy’ chez Lesaffre. « La fermentation de ces micro-organismes améliore les produits de panification, déclare-t-il. En plus des particules aromatiques et du CO2, le levain apporte de l’acide lactique, de l’acide acétique, des acides aminés, ce qui permet la création d’arômes plus complexes, que la levure seule ne pourrait pas apporter ».

 

Benoit Demiselle est fils d’artisan boulanger. Aujourd’hui conseiller technique Lesaffre sur le levain sur un périmètre monde, il renchérit : « le goût qu’apporte le levain au pain dépend de la synergie entre les micro-organismes, de leurs conditions de développement (température, hydratation, temps de fermentation, fréquence des apports nutritifs) et de la céréale utilisée comme substrat. Cela nécessite une rigueur et un savoir-faire bien spécifiques. Le seigle apporte un goût un peu fruité de pruneaux cuits, l’orge et l’avoine confèrent un côté épicé au levain. Le blé dur arrondit la saveur en bouche, pour la rendre beurrée, lactée, comme de la pâte à crêpes. Quant au sarrasin, il apporte un goût puissant, de foin et de céréales coupées que l’on retrouve dans les pains de spécialités. »

Des levains aux multiples bienfaits

Outre ces arômes fruités ou épicés, le levain assure aussi une meilleure conservation du pain, poursuit le spécialiste technique. « Son pH bas et son acidité ralentissent le développement des moisissures », détaille Benoit Demiselle. Si la règlementation sur le levain diffère selon les pays, elle est très stricte en France pour protéger le métier des professionnels de la boulangerie. « Une fois la fermentation au levain terminée, le pH de la mie de pain doit être inférieur à 4,3 et sa teneur en acide acétique de 900 parties par million par kg de pain ».

L’acidité associée à des fermentations longues contribuerait aussi à apporter des bienfaits nutritionnels aux produits de panification au levain. Plusieurs études scientifiques montrent, que la qualité de la mie de ces produits au levain et leur acidité naturelle participent à la baisse du pic d’insuline lors de leur consommation. « Ainsi, l’index glycémique des produits de panification au levain s’en trouve diminué », souligne Nicolas Zabukovec. Exhausseur de goût, le levain permet de réduire également les quantités de sel et de sucre dans les produits de panification. Par ailleurs, cette acidité résultante de l’activité des bactéries permet d’activer une enzyme, la phytase. Celle-ci en détruisant les phytates présents dans l’enveloppe des céréales, libère de précieux minéraux rendus ainsi biodisponibles pour l’organisme. Enfin, le levain réorganise le réseau gluténique du pain, modifiant sa texture pour aboutir à une mie plus élastique qui se conserve plus longtemps.

 

Des levains adaptés aux besoins des artisans boulangers

Avec son savoir-faire de plus d’un siècle dans la fermentation des micro-organismes, Lesaffre dispose d’une large gamme de levains qui s’adaptent aux attentes des boulangers. Les levains se présentent sous différentes formes : liquides, pâteuses et même en poudre. « Les boulangers les plus habitués aiment utiliser des levains vivants, les rafraîchir régulièrement – c’est-à-dire les alimenter en eau et en farine – et suivre leur croissance pendant 5 à 10 jours, afin d’apporter leur propre signature », décrit Nicolas Zabukovec. Mais d’autres pratiques existent : certains utilisent des cultures starters prêts à l’emploi – des bactéries et levures sélectionnées – pour obtenir un levain finalisé en une seule étape ou des levains prêts à l’emploi pour ensemencer directement la pâte au pétrissage. D’autres encore préfèrent les levains dévitalisés plus concentrés, séchés ou acidifiés, pour apporter à chaque fournée, de manière homogène, certains arômes, acidité et couleur spécifiques.

Le gout apporté par levain au pain dépend de la synergie entre les micro-organismes, de leurs conditions de développement et de la céréale utilisée comme substrat.
Benoit Demiselle,
Artisan boulanger

Des levains conçus pour tous les palais

Si le pain est un des rares aliments consommés dans tous les pays, le goût des consommateurs dépend des cultures locales : « en Europe de l’Est et dans les pays nordiques, les gens apprécient les saveurs impactantes, au fort taux d’acidité, alors qu’en Asie, les habitants préfèrent des produits de panification plus doux où les notes sucrées sont exhaussées. Et en Amérique du Sud, la diversité des goûts prime, nécessitant l’emploi de plusieurs céréales », spécifie Benoit Demiselle. Un vrai défi pour les collaborateurs Lesaffre ! Car certaines levures consomment très vite leur substrat et ne laissent pas le temps aux bactéries de se développer. À l’inverse, des bactéries produisant beaucoup d’acidité peuvent porter préjudice aux levures. « Il nous faut trouver la symbiose parfaite sur le bon substrat, pour produire des levains au plus proche des aspirations de notre clientèle », expose-t-il.

C’est dans cet esprit que les collaborateurs des Baking Center™*, imprégnés de la culture locale, se rendent régulièrement chez leurs clients. « Ce faisant, nous pouvons cerner précisément ce que les gens préfèrent en termes d’arômes, d’acidité, de croustillant, et de moelleux », décrit Nicolas Zabukovek. Les collaborateurs Lesaffre réalisent ensuite des analyses sensorielles sur les produits de panification les plus appréciés des consommateurs. Ils décomposent et identifient ainsi leurs caractéristiques aromatiques spécifiques, selon les régions, pour aboutir à « une véritable cartographie des attentes des consommateurs ! ». Le spécialiste regrette toutefois que les procédés de fabrication du levain de certaines ethnies africaines et asiatiques demeurent encore trop méconnus. « Il y a là une vraie course contre la montre à remporter avant que le savoir-faire ne disparaisse ! »

 

Joyau ancestral, le levain répond aujourd’hui encore au quotidien aux grandes tendances actuelles de préservation d’une bonne santé et de plaisir des sens. Et si le maintien de sa stabilité au cours du temps demeure un véritable challenge pour les collaborateurs Lesaffre, il n’en demeure pas moins une véritable source d’émulation au sein des équipes, et d’innovation, afin de garantir sans cesse la satisfaction de tous ses clients.

 

 

* Baking Center™ : pôles d’expertise, de technologie et d’innovation en panification au service des métiers de la boulangerie