Les risques liés au mauvais usage des antibiotiques
Près de 1,3 million de personnes meurent chaque année d’infections liées à des bactéries antibiorésistantes. Et ce chiffre ne fait qu’augmenter : il pourrait atteindre 10 millions en 2050, faisant de ce fléau la première cause de mortalité dans le monde à cet horizon. Cette « pandémie silencieuse » s’explique par un usage trop répété, et souvent inapproprié, des antibiotiques : si des bactéries ne sont pas tuées par ces produits, elles ont l’opportunité d’occuper l’espace libéré par les autres et de s’y propager. En France, plusieurs mesures ont été prises pour limiter ce risque de sélection, qui peut rendre de plus en plus difficile l’élimination de pathogènes comme les staphylocoques ou E. coli. On se souvient notamment de la campagne « Les antibiotiques, c’est pas automatique ! », qui rappelait en 2005 aux médecins et aux patients que ces médicaments sont inutiles contre les virus, ou encore de la campagne qui incitait en 2017 les éleveurs et les vétérinaires à utiliser « Les antibios, comme il faut, quand il faut ». Celle-ci a été réactivée fin 2022 pour maintenir le cap fixé par le ministère de l’Agriculture dans le cadre de ses deux premiers plans Écoantibio (pour 2012-2016, puis 2017-2022). En effet, si l’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques a déjà été réduite de 47 % en dix ans en France, les efforts doivent se poursuivre. La réglementation européenne va dans le même sens puisque, depuis janvier 2022, elle encadre davantage la prescription et la délivrance de ces traitements en agriculture.
Face à l’antibiorésistance : l’approche “One Health” de l’OMS
Si la loi restreint les usages inappropriés en Europe, ce n’est pas le cas partout. Dans de nombreux autres pays, les éleveurs ont tout loisir de donner des antibiotiques à leurs animaux dès qu’ils sont malades, sans avoir vérifié au préalable qu’ils sont bien victimes d’une bactérie. Ils en utilisent même souvent de manière « routinière », sur des animaux en bonne santé, pour prévenir les infections ou comme facteurs de croissance. Certains antibiotiques ont en effet des propriétés anti-inflammatoires qui aident à réduire l’impact du stress sur la digestion, optimisant ainsi l’engraissement. Mais il y a un revers à cette pratique : elle contribue à sélectionner dans les intestins des animaux des bactéries antibiorésistantes, qui peuvent ensuite se retrouver dans leur viande ou les produits à base de viande de l’industrie alimentaire, et contaminer les humains qui les consomment. Peu de gens en ont conscience, mais le problème des antibiotiques dans les élevages n’est pas qu’une question agricole : c’est un vrai enjeu de santé publique. Ce n’est pas pour rien que l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) et l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) prônent une approche dite « One health », qui consiste à agir à tous les niveaux et dans tous les pays pour espérer endiguer le problème.
Des alternatives aux antibiotiques moins coûteuses
Informer les agriculteurs ne suffit pas toujours. Qu’ils aient conscience ou non du risque, s’ils ont de faibles revenus, ils s’intéressent avant tout aux performances immédiates de leurs exploitations. Pour qu’ils adoptent une vision à long terme, « il faut leur proposer des alternatives, et leur montrer au cas par cas que celles-ci ne sont pas plus coûteuses, explique Alain Riggi, vétérinaire responsable des produits Volailles chez Phileo by Lesaffre. C’est ce que nous avons fait par exemple au Vietnam en 2021 : en y formant 115 fermes familiales à de nouvelles pratiques, qui limitent le risque d’infections, nous avons réussi à les convaincre de réduire de 66 % leur recours aux antibiotiques ». Parmi les solutions présentées, les plus efficaces sont la vaccination, une bonne hygiène dans les bâtiments, une densité réduite et des conditions d’élevage qui tiennent mieux compte du bien-être animal. « Nous invitons nos technico-commerciaux à profiter de leurs visites dans les exploitations pour expliquer aux éleveurs que de telles mesures sont des investissements pour le futur, qui permettent d’améliorer durablement la santé des bêtes, donc la performance économique des cheptels », ajoute Alain Riggi. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui que nombre d’antibiotiques rencontrent des pénuries et voient leurs prix augmenter. En outre, la France a pris en février 2022 un arrêté qui interdit toute importation de viande issue d’animaux ayant reçu des antibiotiques comme facteurs de croissance. Et d’autres États devraient prochainement l’imiter.
Vers une transition postbiotique dans les élevages
Pour accompagner la transition post-biotique, Phileo produit des guides d’élevage (« Stratégies pour réduire la prévalence de la Salmonelle dans l’industrie volaillère », etc.). Sans surprise, la qualité de l’alimentation y joue un rôle central. En y ajoutant certains compléments alimentaires à base de levures ou contenant des produits issus de la fermentation, on peut même obtenir un effet « facteur de croissance ». « Safmannan®, par exemple, a une action anti-inflammatoire. Composé de parois de levures isolées, riches en bêta-glucanes et en mannanes, il aide à préserver l’équilibre de la flore intestinale, notamment lors d’épisodes de stress (sevrage, castration, coups de chaud ou de froid, transport…). Il contribue aussi à renforcer le système immunitaire et à réduire le nombre de bactéries pathogènes dans le tube digestif, sans pour autant prendre le risque d’en rendre certaines résistantes aux antibiotiques, explique Alain Riggi. Le Safglucan®, plus concentré en béta-glucanes, contribue quant à lui à “entraîner” les cellules immunitaires à répondre plus vite et plus efficacement aux infections. Pour preuve, cette expérimentation que nous avons réalisée au Mexique voilà quelques années : après la vaccination de volailles contre la maladie de Newcastle, celles qui avaient reçu ce produit avaient un taux six à sept fois plus élevé d’anticorps dans le sang. Elles étaient mieux préparées à l’attaque du virus. » Pour les porcs ou le bétail, l’ActiSaf® est plus conseillé. Cette levure vivante est particulièrement efficace pour rétablir un microbiote intestinal déséquilibré ou pour améliorer la fermentation dans un rumen. Pour de meilleures performances encore, les différents produits peuvent être associés en fonction des espèces, des saisons et des besoins, comme le montrent les différents programmes suggérés par Phileo sur son site. À n’en pas douter, les levures et les produits issus de la fermentation ont un bel avenir pour préserver le bien-être animal !
Quelles tendances pour 2030 ?
L’utilisation d’antibiotiques et autres médicaments antimicrobiens chez les animaux destinés à l’alimentation devrait encore augmenter d’ici 2030, selon une étude récente publiée par le PLOS Global Public Health.
- D’après les projections des chercheurs, bovins, moutons, poulets et porcs pourraient ingurgiter près de 107 472 tonnes d’antibiotiques et autres médicaments antimicrobiens en 2030, soit une progression de 8% par rapport à 2020.
- Ces animaux totalisent 91,1 % de la biomasse animale pour l’alimentation dans le monde.
- Les 5 principaux consommateurs en 2020 étaient la Chine, le Brésil, l’Inde, les Etats-Unis et l’Australie, qui représentent 58 % de l’utilisation d’antimicrobiens à l’échelle mondiale. En 2030, ce top 5 serait inchangé.
- En 2020, l’Asie a consommé plus de la moitié des antimicrobiens, soit 58 377 tonnes, (59%) dont 56 % provenant de la seule Chine