À la rencontre de Saccharomyces cerevisiae

Découverte par des brasseurs hollandais puis mise en évidence par Louis Pasteur, la levure Saccharomyces cerevisiae n’a cessé de dévoiler de nouveaux potentiels, que ce soit pour la panification, pour la production de boissons fermentées, ou pour le secteur de la nutrition santé. C’est en construisant son expertise sur cette espèce que Lesaffre a acquis sa notoriété. Et ce micro-organisme est loin d’avoir révélé toutes ses possibilités au service de l’homme et de l’environnement. En témoigne Gilles Stien, responsable fermentation R&D et chef de projet chez Lesaffre.

Organisme unicellulaire, Saccharomyces cerevisiae fait partie du règne des champignons. Si sa dénomination commune de « levure de boulangerie » vient de la levée de la pâte fermentée lors de la fabrication du pain, son nom de genre provient quant à lui de la contraction des termes saccharose (sucre) et mycélium (champignon). Quant à son nom d’espèce, il fait référence à la cervoise, cette bière fermentée traditionnelle des gaulois. Comme toutes les levures, Saccharomyces cerevisiae peut se reproduire sous deux formes : à l’identique, par bourgeonnement d’une cellule fille à partir d’une levure mère, si l’environnement lui est favorable, ou par reproduction sexuée si les conditions lui sont défavorables, formant ainsi des spores résistantes qui fusionneront pour donner un nouvel individu, dès que l’environnement sera plus clément.

Saccharomyces cerevisiae, un agent de fermentation alcoolique anaérobie

Identifiée en 1857 par le chimiste Louis Pasteur comme principal agent de fermentation alcoolique, Saccharomyces cerevisiae transforme les sucres des céréales ou des fruits en alcool et en gaz carbonique en conditions anaérobies, c’est-à-dire dans un milieu privé d’air. Cette transformation avait été identifiée dès la fin du XVIIIe siècle par Adamo Fabbroni, un agronome italien, qui soupçonnait qu’une substance vivante, naturellement présente sur le raisin, était à l’origine de la fermentation du vin.

La maîtrise de la culture de Saccharomyces cerevisiae dans un environnement donné, n’aura cependant lieu qu’à la fin du XIXe siècle grâce aux travaux de Robert Koch et de Julius Richard Petri, à l’origine de la fameuse boîte de Petri. « Dès lors, le développement de l’industrie de la fermentation moderne devient possible grâce à l’isolement et à la sélection de micro-organismes d’intérêt dont on caractérise les besoins nutritionnels et les fonctionnalités », indique Gilles Stien, responsable fermentation R&D chez Lesaffre.

La fermentation au cœur de nos habitudes alimentaires

La levure Saccharomyces cerevisiae est aujourd’hui largement produite et utilisée dans l’industrie alimentaire, du fait de son métabolisme fermentaire, de sa totale innocuité, de sa multiplication rapide, de sa facilité de mise en œuvre, et de son intérêt nutritionnel.

En panification, les souches de Saccharomyces cerevisiae sont des agents de fermentation au rôle essentiel. En consommant partiellement le sucre des farines, elles produisent non seulement du gaz carbonique et de l’éthanol favorisant la prise de volume à la cuisson, mais génèrent également plus de 200 molécules, composant les arômes si recherchés des produits de panification. La quantité des molécules aromatiques produites varie en fonction des paramètres de fabrication, mais aussi du métabolisme spécifique de la souche de levure utilisée.

Un potentiel d’applications infini de la levure et de ses dérivés

En s’appuyant sur sa connaissance des souches, des milieux de culture et de la conduite des fermentations, il est possible d’optimiser l’expression des nombreuses potentialités des levures. Par exemple, dans le domaine de la panification, certaines levures sont plus adaptées aux recettes de pâtes sucrées ou acides, d’autres résistent davantage aux techniques de panification surgelées. Dans le domaine viticole, les levures inactives peuvent être une source de nutriments pour faciliter les fermentations de plus en plus compliquées dans ce contexte de réchauffement climatique. Elles sont aussi utiles pour préserver les arômes et la couleur du vin tout au long de son vieillissement.

Intégrés dans les milieux de culture, les extraits de levure sont quant à eux très prisés pour la fabrication des ferments lactiques utilisés par les industriels laitiers, mais aussi pour l’élaboration de tests diagnostiques et de vaccins dans le secteur pharmaceutique.

Pour notre sécurité alimentaire, les fractions de levure riche en mannane-oligosaccharides et β-glucanes (1,3 et 1,6) sont aussi des alliés de choix dans la production des volailles en diminuant la pression de certains pathogènes comme E.Coli ou Salmonella.

Ainsi, le champ d’investigation de Lesaffre s’est donc bien élargi ces cinquante dernières années, au vu de la diversité des applications possibles de la levure et de ses dérivés. En R&D, si le nombre de candidats potentiellement intéressants pour de nouvelles applications est élevé, la maîtrise de leur métabolisme, de leur croissance et du maintien de leur potentiel lors de leur production à grande échelle, constitue un challenge que relèvent chaque jour les sites de production.

Notre défi réside donc non seulement dans la sélection et la connaissance approfondie de nouvelles souches de micro-organismes d’intérêt, mais aussi dans l’accompagnement de leur développement jusqu’à un stade industriel. Chaque étape compte. Connaître, comprendre, protéger et utiliser à bon escient le potentiel biologique des levures et leur synergie avec d’autres micro-organismes, sera sans doute le défi majeur du XXIe siècle et de toute l’humanité.
Gilles Stien
Responsable fermentation R&D chez Lesaffre